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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/225

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MIRABEAU.

Que serait devenu Mirabeau s’il eût vécu ? On a dit souvent qu’il aurait été une des premières victimes

de la Terreur…. Je n’en crois rien ; — il n’aurait pas attendu la Terreur… Avec beaucoup de courage, c’était l’homme le plus pratique qui fût au monde. « Si vous faites une loi contre les émigrants, avait-il dit un jour à l’Assemblée, je jure de n’y obéir jamais !… » Il aurait tenu son serment. Je le vois assez clairement sortant de France après le 10 Août, « ne voulant pas se perdre » avec un prince qui n’avait pas su se laisser sauver ; adressant, de Londres ou de Philadelphie, de belles lettres au peuple français, pour lui conseiller la justice et la clémence. — Puis, sans trop d’efforts, je le retrouve quinze ans après, mûri par les événements, désabusé des chimères démocratiques de sa jeunesse, épris de Napoléon comme il l’avait été du grand Frédéric ; dignitaire un peu gênant de l’Empire ; ambassadeur en Russie à la place de Caulaincourt, ou ministre des affaires étrangères après la disgrâce de Talleyrand. L’Empereur n’aurait pas eu besoin de l’anoblir. Tout au plus l’aurait-il fait duc. Il était comte par droit de naissance.