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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/34

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MIRABEAU.

lui-même ; « Votre Majesté n’a-t-elle jamais pensé que l’air impératif et dédaigneux que l’on donne à ses statues est ou puéril ou fâcheux ?…  » Enfin ce pressentiment prophétique de la Révolution qui, s’avance : « Ceux qui ne voient pas le danger sont bien aveugles, car nous y touchons ». Tout cela jeté pêle-mêle, au hasard, sans points d’arrêt et de repère ; enveloppé, a dit Grimm, dans « un jargon sensible, onctueux et mystique », que traversent des éclairs de gaîté gauloise et de malice plébéienne ; sans que, d’ailleurs, l’orgueilleux marquis se relâche un instant de ses prétentions nobiliaires et de ses airs de grand seigneur. D’un mot juste et rapide, M. de Tocqueville a bien rendu la philosophie de ce chaos : « C’est l’invasion des idées démocratiques dans un esprit féodal ».

La publication de l’Ami des hommes souleva dans toute l’Europe des transports d’admiration. À Paris ce fut « une furie ». Aux enchantements de la renommée, la mode ajouta ses extravagantes faveurs. Bientôt découvert sous son pseudonyme philanthropique, le marquis fut pris au mot et faillit y perdre son vrai nom. On ne l’appelait que l’Ami des hommes ; on « faisait foule » pour le voir passer par les rues ; et, pendant toute une saison, il connut les derniers enivrements de la gloire. Des avocats fameux le citèrent en plaidant devant la grand’chambre ; elle titre de son livre servit d’enseigne aux boutiques.

Au plus fort de ses succès, ce publiciste déjà célè-