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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/49

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MIRABEAU.

Voici quel fut le succès du doux moraliste.

À Bruxelles, le chevalier de Mirabeau rencontra Mlle Navarre, qui était alors la maîtresse en titre du maréchal de Saxe, et la maîtresse par quartiers de beaucoup d’autres. Il s’éprit d’elle ; et, après une liaison de quelques mois, il se mit en tête de l’épouser, sans se laisser émouvoir par la défense de sa mère et par les menaces du marquis.

Déjouant toutes les surveillances, bravant tous les dangers, il passa en Hollande et en revint marié. Il avait alors vingt-quatre ans.

C’est dans les mémoires de Marmontel qu’il faut lire cette histoire. Marmontel avait été un des plus récents prédécesseurs du chevalier dans les faveurs de son amie. Il avait fait avec elle, dans un village des environs de Reims, une retraite galante de plus d’un mois ; et cette pastorale champenoise avait fait scandale dans la loge de Mlle Clairon.

Leur passion mutuelle, exaltée « par le succès de Denys le Tyran… », leurs ravissements, leurs délices, « les perfides douceurs dont il était abreuvé », les tortures que lui faisait endurer, même « au milieu des plus doux transports, la coquetterie de la plus séduisante des femmes » ; puis le déclin rapide de cet amour et la trahison éclatante « de la perfide », le pauvre Marmontel raconte tout cela — pour l’instruction de ses enfants, — tantôt avec une impudeur tranquille, tantôt avec des élans de sensibilité larmoyante et de rhétorique plaintive qui sont d’un comique achevé.