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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/51

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MIRABEAU.

Le pauvre veuf n’avait plus rien à regretter ni à peindre dans son pays. Son mariage l’avait brouillé avec tous les siens. S’il faut en croire son aîné, « il était à bout de voie, et il n’avait fait que trois morceaux de sa légitime ». Il tenta l’aventure et n’eut pas à le regretter.

Deux ans après, on le retrouve à Bayreuth riche et puissant, établi solidement dans la faveur du prince, avec le titre de grand chambellan, gouvernant à son gré les affaires et la politique de cette petite cour. Mais là ne devait pas s’arrêter sa fortune.

En 1757, après de sanglants échecs, pressé de tous côtés par Marie-Thérèse et ses alliés, le roi de Prusse cherchait à détacher la France de cette coalition redoutable. Il lui fallait un ambassadeur secret pour mener à bien cette négociation délicate. La margrave de Bayreuth lui proposa d’envoyer à Versailles le comte de Mirabeau. On peut voir ailleurs la lettre curieuse par laquelle Frédéric agrée cette ouverture, le crédit qu’il met au service de son agent, et le prix effronté dont il compte acheter à Versailles son succès.

Pour le malheur de la France, la cour fut intraitable ; la négociation échoua ; et bientôt après, n’ayant plus, que son épée à jeter dans la balance, le vainqueur de Rosbach, comme il écrivait la veille de la bataille, « faisait changer de face au destin ».

Ce qui avait aussi changé de face, avec la fortune du comte de Mirabeau, c’était l’opinion qu’avait