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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/60

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MIRABEAU.

Il est présomptueux et beau parleur, comédien de naissance, par vocation. À huit ans, il se fait applaudir sur un petit théâtre dont Poisson est poète, le chef d’emploi, le décorateur et le machiniste. « Vous verrez, écrit le marquis à Mme de Rochefort, vous verrez jouer un rôle à un petit monstre qu’on dit être mon fils, et qui, le fût-il de l’ancien La Thorillière, ne saurait être plus naturellement comédien. »

Poisson est routinier, formaliste ; il ne laisse pas assez d’air à cet esprit avide de liberté. Il ne sait pas rendre la main à propos, donner de l’espace, du champ à cette nature échappée. Voici venir l’adolescence, l’explosion turbulente d’une terrible puberté. Pour contenir ce tempérament déchaîné, pour redresser cette conscience louche et la mettre en droiture, le systématique marquis appelle à son aide un géomètre, un maître d’armes et un théatin ; puis, un capitaine de cavalerie, honnête homme et bon latiniste, membre de l’Académie des belles-lettres.

Rien n’y fait : à quinze ans, le « petit monstre » les a tous usés. On essaie alors de l’abbé Choquard qui tient à Paris une pension cosmopolite ; un novateur à la mode, fort en avance sur son temps et sur le nôtre, qui, tout en suivant de loin les vieilles méthodes de la Sorbonne, dresse ses élèves à toutes sortes de tours de force et d’adresse. Il les fait boxer à l’anglaise, manœuvrer à la prussienne, danser à la française sur des airs de ballet. Dans les intermèdes des pirouettes, l’Ami des hommes