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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/59

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MIRABEAU.

rel de la bête, et je ne crois pas qu’on en fasse jamais rien. »

Le marquis s’efforce pourtant d’en faire quelque chose. À cinq ans, il le met entre les mains de M. Poisson, un brave homme déclassé, instruit et sérieux, qu’il prend au Bignon avec toute sa famille : « Un homme vraiment supérieur par le maintien, l’esprit et le cœur, que, de cinq ans d’habitudes journalières, je n’ai jamais pu trouver faible et intercadent en rien ».

Pendant cinq ans. Poisson enfonce patiemment dans la tête de cet écolier rétif par nature, laborieux par caprice, docile par accès, toute la quantité de grec, de latin, d’histoire et de philosophie qu’elle peut contenir. Il se forme ainsi, dans cette intelligence profonde, une couche dormante de littérature et de souvenirs classiques, de beaux exemples et de beaux préceptes, qu’un jour sa prodigieuse mémoire lui rendra fidèlement, comme un dépôt longtemps oublié.

Les défauts de l’enfant augmentent avec son savoir. Il en est un qu’il faut noter, qui semble incurable, sur lequel le marquis revient sans cesse et s’acharne. « Parbleu ! Pour le mensonge de prédilection, il l’abjurera, ou je saurai l’annuler avec disgrâce. Je ne me soucie de mathématiques, de physique ni de langues, pour lui comme pour moi. Mais de quoi je me soucie, c’est qu’il soit tellement marqué d’un fer chaud au premier mensonge qu’il fera, que la cicatrice lui en reste. »