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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/73

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MIRABEAU.

tembre 1774, il arrivait au château d’If, où ni exempts ni recors ne le pouvaient plus atteindre. Il était sous la main du Roi, dans un lieu d’asile.

Ce prisonnier gênant n’y resta que peu de temps, juste assez pour mettre à mal la femme du cantinier ; et, au bout de six mois, il était transféré à l’autre extrémité de la France, au fort de Joux, où sa captivité allait être singulièrement adoucie. Chaque jour, avec l’agrément et souvent en compagnie du gouverneur, il descendait à Pontarlier. Il devait seulement remonter au fort chaque soir, ou du moins ne rien faire pour qu’on ne pût fermer les yeux sur son absence. C’était, en attendant mieux, un compromis tolérable entre la réclusion et la liberté.

Causeur amusant, il devint bientôt, pour les beaux esprits de la ville, une distraction pleine de charme, et pour les femmes une curiosité dangereuse. Qui aurait prévu que dans ce coin du monde, où il venait pour si peu de temps et de si loin, il allait jouer sa destinée presque tout entière ?

C’est à Pontarlier que Mirabeau connut la marquise de Monnier ; c’est là que commença cette liaison fameuse qui devait leur être si funeste. De loin, c’est un admirable roman ; et de près, une fâcheuse histoire.

Qu’une femme de vingt et un ans, lasse d’un vieux mari, excédée de dégoût et d’ennui, impatiente de liberté, de plaisir et d’amour, se soit donnée à un jeune homme plein d’esprit et d’audace, venant de loin et portant un nom alors célèbre, entouré d’une