Aller au contenu

Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
MIRABEAU.

Si l’on interroge, avec elle, les souvenirs qu’elle a gardes de son bonheur, on rencontre sous sa plume de telles images, poursuivies avec une si déplaisante persévérance, que, pour ne pas s’en détourner avec dégoût, il faut se l’appeler de quelles douleurs elle a payé ses plaisirs.

Quant à lui, lorsqu’il a connu Mme de Monnier, il avait traîné sa jeunesse dans les bonnes fortunes les plus banales, dans les plus vulgaires rencontres ; portant de l’une à l’autre, avec une indifférence fougueuse, ce tempérament de fer qui était le secret mal gardé de ses conquêtes, et cette rhétorique licencieuse qui paraît avoir été la seule poétique de ses amours.

Mais ce n’est pas tout ; et, ici encore, par un odieux alliage qui reparaît presque partout dans la vie de Mirabeau, l’argent se mêle aux élans suspects de cette passion équivoque ; — l’argent du mari qui, d’abord, défraie les dépenses de l’amant, et qui va payer ensuite, d’étape en étape, les frais de route des deux fugitifs.

Ces honteux commerces n’étaient pas très rares à cette époque. Les chevaliers et les vicomtes de la comédie avaient dans le monde leurs modèles ; et, en subvenant aux besoins ou aux fantaisies de cet amant magnifique, la marquise de Monnier ne faisait pour lui que ce qu’elle venait de faire pour un autre. L’ennui de vivre, l’occasion, la curiosité des sens l’avaient livrée à Mirabeau. L’intérêt , l’ambition, l’ennui d’aimer l’ont détaché d’elle. Sauf les pre-