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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/88

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MIRABEAU.

avec les déchets, les bavures et les scories de la fournaise.

Je n’ai rien à dire des banalités laborieuses à l’aide desquelles le malheureux tuait le temps et usait sa chaîne. Il suffit de donner la liste abrégée de ces ouvrages éphémères : des traductions de Tibulle, de Tacite, de Boccace ; un Essai sur les élégiaques ; les Baisers de Jean Second ; une tragédie classique, une comédie bourgeoise ; une histoire de Philippe II ; un Essai sur la tolérance ; un mémoire sur les lettres de cachet qui fait suite à l’Essai sur le despotisme ; enfin, deux ou trois pastiches insipides des pires libertinages de Voltaire.

Mais, dans le catalogue de cette bibliothèque en désordre, il faut noter deux œuvres, où l’homme, l’écrivain et l’orateur se font mieux connaître. La première comprend les lettres et les mémoires adressés au lieutenant de police, à M. de Malesherbes, au marquis de Mirabeau et à d’autres. La seconde, la plus connue et, à mon sens, la plus mal jugée, contient la correspondance avec Mme de Monnier, les Lettres à Sophie.

Parmi les mémoires que le prisonnier faisait parvenir à son père et à M. Lenoir, plusieurs sont des chefs-d’œuvre de raison, de passion et d’éloquence. J’ai entendu beaucoup de plaidoyers dans ma vie ; j’en connais peu qui, à les lire, restent aussi forts, aussi habiles, aussi mordants, aussi pathétiques surtout, malgré l’emphase qui gâte presque tous les écrits de cette époque. C’est l’œuvre d’un avocat