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Page:Rousse - Mirabeau, 1891.djvu/94

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MIRABEAU.

tout ce qui venait d’une autorité si suspecte, forcé d’être impie, il se fit athée…. » Momeries, simagrées, ce sont presque les mêmes mots. On distinguerait difficilement l’original de la copie.

Peut-être est-il bon d’ajouter qu’après avoir écrit à Sophie que « tout finit avec nous », Mirabeau composait un sermon « sur l’Immortalité de l’âme », à l’usage d’un clergyman à court d’éloquence…

À travers ces aberrations que l’excès de ses maux doit faire excuser peut-être, l’esprit de ce moraliste douteux garde toute sa vigueur ; et un prodigieux bon sens éclaire, de loin, cette âme en désordre. À chaque souffrance nouvelle, à mesure que se prolonge son intolérable captivité, la politique le prend de plus près et l’attire. Du haut de son donjon, il porte sur le pouvoir des rois, sur les droits des sujets, plus loin encore, sur les alliances nécessaires de la France et sur le droit public tout entier, des vues dont l’audace prophétique nous confond. On se demande comment, sous un gouvernement absolu, un prisonnier d’État osait écrire de telles pages ; comment, après les avoir lues chaque jour, un magistrat vigilant et tout-puissant pouvait les laisser passer sans obstacles.

Ce qu’il faut retenir encore, dans ces lettres, ce sont les jugements que Mirabeau porte sur lui-même, qui le devancent et l’annoncent, de loin, sur la scène où il doit paraître. « Pour moi, j’étais né avec le germe de tous les talents militaires, quelque esprit,