Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/215

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principes posés, les conséquences sont ce qu’elles peuvent, tant pis pour nous si elles sont fâcheuses ; mais à quelque point qu’elles le soient, elles ne vous le paraissent jamais assez pour vous forcer à revenir sur les principes. Bien loin de craindre les objections qu’on peut faire contre vos paradoxes, vous prévenez ces objections en y répondant par des paradoxes nouveaux. Il me semble voir en vous (la comparaison ne vous offensera pas sans doute) ce chef intrépide des réformateurs, qui pour se défendre d’une hérésie en avançait une plus grave, qui commença par attaquer les indulgences, et finit par abolir la messe. Vous avez prétendu que la culture des sciences et des arts est nuisible aux mœurs ; on pouvait vous objecter que dans une société policée cette culture est du moins nécessaire jusqu’à un certain point, et vous prier d’en fixer les bornes ; vous vous êtes tiré d’embarras en coupant le nœud, et vous n’avez cru pouvoir nous rendre heureux et parfaits qu’en nous réduisant à l’état de bêtes. Pour prouver ce que tant d’opéra français avaient si bien prouvé avant vous, que nous n’avons point de musique, vous avez déclaré que nous ne pouvions en avoir, et que si nous en avions une, ce serait tant pis pour nous. Enfin, dans la vue d’inspirer plus efficacement à vos compatriotes l’horreur de la comédie, vous la représentez comme une des plus pernicieuses inventions des hommes, et pour me servir de vos propres termes, comme un divertissement plus barbare que les combats des gladiateurs.