Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je veux leur dire, au contraire, mon avis et mes raisons, avec une telle simplicité, qu’il n’y ait rien qui puisse les séduire ; parce qu’il est très-possible que je me trompe, et que je serais bien fâché qu’ils adoptassent mon sentiment à leur préjudice.


D’où vinrent à la Corse les dissensions, les querelles, les guerres civiles qui la déchirèrent pendant tant d’années, et la forcèrent enfin de recourir aux Pisans, puis aux Génois ? Tout cela ne fut-il pas l’ouvrage de sa noblesse ; ne fut-ce pas elle qui réduisit le peuple au désespoir et le força de préférer un esclavage tranquille aux maux qu’il souffrait sous tant de tyrans ? Veut-il maintenant, après avoir secoué le joug, rentrer dans l’état qui le força de s’y soumettre ?


Je ne leur prêcherai pas la morale, je ne leur ordonnerai pas d’avoir des vertus ; mais je les mettrai dans une position telle qu’ils auront ces vertus sans en connaître le mot, et qu’ils seront bons et justes, sans trop savoir ce que c’est que justice et bonté.


Je ne sais comment cela se fait, mais je sais bien que les opérations dont l’on tient le plus de registres et de livres de compte sont précisément celles où l’on friponne le plus.


Tels étaient ces jeunes Romains qui commençaient par être questeurs ou trésoriers des armées avant que de les