Page:Rousseau - Œuvres et correspondance inédites éd. Streckeisen-Moultou.djvu/205

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SUR LA RÉVÉLATION. il%

cueilli, avaient dans leur physionomie je ne sais quoi de sinistre qui annonçait à la fois lorgueil et la cruauté. Occupés à introduire continuellement les peuples dans Fédifice, ils paraissaient les officiers ou les maîtres du lieu et dirigeaient souverainement le culte des sept sta- tues. Us commençaient par bander les yeux à tous ceux qui se présentaient à l’entrée du temple, puis les ayant ainsi conduits dans un coin du sanctuaire, ils ne leur ren- daient Tusage de la vue que quand tous les objets con- couraient à la fasciner. Que si durant le trsget quelqu’un tentait d’ôter son bandeau, à l’instant ils prononçaient sur lui quelques paroles magiques qui lui donnaient la figure d’un monstre, sous laquelle, abhorré de tous et méconnu des siens, il ne tardait pas d’être déchiré par l’assemblée. Ce qu’il y avait de plus étonnant, c’est que les ministres du temple qui voyaient à plein toute la difformité de leurs idoles, ne les servaient pas moins ar- demment que l’aveugle vulgaire. Ils s’identifiaient pour ainsi dire avec leurs affreuses divinités, et recevant en leur nom les hommages et les dons des mortels, chacun d’eux leur offrait pour son intérêt les vœux que la crainte arrachait aux peuples. — Le bruit continuel des hymnes et des chants d’allégresse jetait les spectateurs dans un en- thouâasme qui les mettait hors d’eux-mêmes.

L’autel qui s’élevait au milieu du temple se distinguait à peine au travers des vapeurs d’un encens épais qui por- tait à la tête et troublait la raison i mais tandis que le vulgaire n’y voyait que les fantômes de son imagination agitée, le philosophe, plus tranquille, en aperçut assez pour juger de ce qu’il ne discernait plus ; l’appareil d’un continuel carnage environnait cet autel terrible ; il vit