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POUR LA CORSE
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est, d’un côté, la moins coûteuse, parce que la Corse est pauvre, et, de l’autre, la plus favorable à l’agriculture, parce que l’agriculture est, quant à présent, la seule occupation qui puisse conserver au peuple corse l’indépendance qu’il s’est acquise, et lui donner la consistance dont il a besoin.

L’administration la moins coûteuse est celle qui passe par le moins de degrés, et demande le moins de différents ordres : c’est, en général, l’état républicain, et en particulier, le démocratique.

L’administration la moins favorable à l’agriculture est celle dont la force, n’étant point réunie en quelque point, n’emporte pas l’inégale distribution du peuple mais le laisse également dispersé sur le territoire : telle est la démocratie.

On voit dans la Suisse une application bien frappante de ces principes. La Suisse est, en général, un pays pauvre et stérile. Son gouvernement est partout républicain. Mais dans les cantons plus fertiles que les autres, tels que ceux de Berne, de Soleure et de Fribourg, le gouvernement est aristocratique. Dans les plus pauvres, dans ceux où la culture est plus ingrate et demande un plus grand travail, le gouvernement est démocratique. L’État n’a que ce qu’il faut pour subsister sous la plus simple administration. Il s’épuiserait et périrait sous toute autre.

On dira que la Corse, plus fertile et sous un climat plus doux, peut supporter un gouvernement plus onéreux. Cela serait vrai dans un autre temps ; mais, désolée par un long esclavage, par de longues guerres, la nation a premièrement besoin de se rétablir. Quand elle aura mis en valeur son sol fertile, elle pourra songer à devenir plus floris-