Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t14.djvu/287

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la campagne on s’apprêtoit à lui tirer dessus, & toutes les nuits on insultoit sa maison. La tranquillité avec laquelle il continua de se promener tous les jours sans cortege, sans armes, parut pourtant en imposer à ces braves, & nul n’osa de jour attenter à sa personne. Mais enfin la nuit du six au sept septembre, il fut attaqué chez lui durant son sommeil sans ménagement. La maison où il loge portoit au dehors les marques des plus grandes violences. Une de ses portes fut ouverte & l’autre enfoncée, son mur fut criblé de pierres, on en lança particuliérement une fort grosse à travers la fenêtre de sa cuisine, qui porta le verre jusques dans sa chambre, & vint de volée frapper à deux pas de son lit ; s’il le fut levé un moment plutôt pour venir au bruit il étoit assommé. M. le Châtelain qui fut éveillé par le tumulte étant accouru, vit avec effroi l’état des choses, & en fit le lendemain son rapport au Conseil d’Etat.

Le même jour la communauté assemblée par l’ordre du Magistat ayant appris ce qui s’étoit passé, témoigna froidement qu’elle en étoit fâchée, mais sans donner au surplus aucun ordre pour la sureté de M. Rousseau, ni lui faire dire aucun mot d’honnêteté sur le danger qu’il avoit couru la nuit derniere. Or vous saurez, Mylord, que cette même nuit, lendemain de foire, il y avoir eu des gardes extraordinaires tant du village de Motiers que de celui de Fleurier, que les gardes de Fleurier ayant voulu faire conjointement leur ronde, ceux de Motiers s’y étoient opposés, qu’ils avoient voulu la faire seuls, & cela précisément à l’heure où la maison qu’occupoit M. Rousseau fut attaquée.

Tandis que la communauté de Motiers étoit si tranquille sur