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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/204

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S’approchant en biais, au milieu d’une allée,
Une femme très peu visible est installée,
Avec béatitude et nonchalance, au fond
D’une chaise à porteurs ; d’un geste, elle répond
Aux bonjours d’une amie intime qu’elle croise ;
Elle est sommairement coiffée à la chinoise
Et vêtue à la hâte ; elle se rend au bain
Dans un accoutrement improvisé ; sa main
Est fine ; profitant vite de la rencontre,
Elle la sort du fond de ses châles, la montre
Et sourit, ébauchant, sans y penser, des mots
De banalité pure et d’accueil ; les cahots,
Imprimés par la marche égale et cadencée
Des porteurs, bercent et contentent sa pensée ;
Elle ne trouve pas en somme qu’on soit mal
Dans ce bon véhicule antique, original.
Elle est frivole dans le sang ; c’est une tête
De linotte ; elle veut être toujours en fête.
Dans un salon, quand on cherche à la courtiser,
Elle pousse à la roue et tâche d’attiser.