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Page:Roussel - La Vue, 1904.djvu/205

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Elle n’admet ni les ennuis ni les entraves,
Évite l’entretien des personnages graves.
Elle suit son caprice, envoyant promener
Ceux qui veulent la mettre au pas, la sermonner.
Le premier des porteurs, énergique, robuste,
A la figure ouverte et sereine d’un juste ;
Il ne formule pas de plaintes sur son sort,
Prend chaque chose par son bon côté, s’endort
Et s’éveille le cœur réjoui ; son salaire
Lui suffit ; du moment que le soleil éclaire,
Il ne voit pas après quoi l’on crierait ; ses doigts
Maintiennent seulement la chaise, dont le poids
Se porte autour de son cou, grâce à des bretelles
Longues, raides, en cuir, plus solides que belles ;
Ses deux épaules sont les réels points d’appui.
L’autre porteur marche en aveugle ; devant lui,
La chaise monte assez pour lui boucher la vue ;
Il devine la route usitée et connue ;
Il s’en rapporte à son camarade et le suit
Sans regarder le sol instable qui s’enfuit