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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/153

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Un jour les deux amis cheminaient aux environs de la résidence royale, et Frédéric se laissait charmer par les entraînants discours de son illustre compagnon, qui, fort en verve, exposait avec esprit et feu ses intransigeantes doctrines antireligieuses.

Oubliant l’heure en causant, les deux promeneurs, quand vint le coucher du soleil, se trouvèrent en pleine campagne.

À ce moment Voltaire était lancé dans une période particulièrement virulente contre les vieux dogmes qu’il combattait depuis si longtemps.

Tout à coup il se tut au milieu d’une phrase et resta sur place, gagné par un trouble profond.

Non loin de lui, une jeune fille à peine adolescente venait de s’agenouiller au tintement d’une cloche reculée, qui, du sommet d’une petite chapelle catholique, sonnait l’angélus. Récitant haut avec ferveur une prière latine, les mains jointes et la face tournée vers les cieux, elle ignorait la présence des deux étrangers, tant son extase l’emportait rapidement vers des régions de rêve et de lumière.