Aller au contenu

Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/177

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longue épine, dans l’eau presque débordante de la cruche.

Puis, avec la pointe de l’épine, il se mit à écrire sur la feuille blanche du dictionnaire en manifestant toujours une sorte de hâte inquiète.

Au bout de quelques lignes, posant la tige, il prit, sur sa main gauche toujours étendue, une pincée de poudre d’or et la répandit peu à peu, en remuant le pouce et l’index, sur sa fraîche écriture invisible, qui aussitôt se colora.

Sous le mot « ODE », tracé en gros caractères de titre, venait une strophe de six alexandrins.

Laissant, après l’accomplissement de sa courte besogne, retomber sur la réserve de sa main gauche ce qui lui restait de sa pincée de poudre, Gérard retrempa dans la cruche la bonne extrémité de la tige et continua d’écrire avec l’épine.

Une seconde strophe fut bientôt couchée sur la feuille puis saupoudrée d’or.

Le même travail alternatif de griffonnage et de poudrement se poursuivit ainsi, et jusqu’au bas de la page des strophes s’étagèrent.

Donnant à l’assèchement le temps de se produire, Gérard souleva momentanément la feuille