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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/268

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économe fixé dans la banlieue et très épris de sa science, consacrait tout le produit superflu de son traitement et de ses leçons à la culture en serre de végétaux curieux.

Trouvant pour ses démonstrations les meilleures planches insuffisamment claires, souvent Brothelande, sans souci de l’embarras, transportait en personne, de chez lui au lycée, tel spécimen rare sur lequel devait rouler sa classe.

Il dépaqueta un jour devant Jerjeck et ses camarades, pour leur en parler longuement, une pridiana vidua (veuve de la veille), grande fleur annamite qui, ressemblant de forme à la tulipe, doit son nom triste, évocateur de deuil, à ses étamines blanches et à ses pétales noirs.

La pridiana vidua est surtout remarquable par le fond de sa corolle, qui sécrète une cire noire à nombreux granules blancs — appelée cire nocturne pour son aspect de firmament étoilé.

Ayant, du haut de sa chaire, montré cette cire à toute la classe en penchant la fleur en avant, Brothelande, annonçant qu’elle se reformait lentement après chaque soustraction, en prit une faible dose avec la pointe d’un coupe-papier, qui, passant de main en main, permit