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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/370

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seaux, le fou tailla dans un morceau de lard gras, apporté sur sa demande et bien asséché, une petite règle qu’il transforma en toise de poupée par des divisions rouges faites au pinceau sur une de ses faces.

Avec cette toise et les derniers articles reçus il se livra laborieusement à des pratiques délicates qui, basées sur d’effrayants calculs de distance et de chaleur, tendaient à imprimer dans certaine cire verte des marques génératrices de verbe déclamatoire ou musical.

Objet d’une préférence judicieuse qui fournissait un nouvel indice d’acheminement vers la raison, le lard, vu son élasticité un peu résistante, possédait, plus que toute autre matière, les qualités présentement souhaitables.

Le seul but de l’infortuné, ainsi qu’en témoignaient ses incohérents soliloques, était de reproduire la voix de sa fille telle que l’avaient révélée à son oreille attentive les efforts qu’aux derniers temps de sa vie elle faisait déjà pour parler. Avec une infinie variété de timbres et d’intonations, il créait toutes sortes d’organes dans des fragments de discours ou de mélodies, espérant trouver fortuitement, parmi tant d’élé-