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Page:Roussel - Locus Solus, 1914.djvu/88

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saute de vent soudaine, s’abattit sur la colombe du rêve, dont l’extrémité d’une aile fut complétée par la blanche laniaire logée en bonne place. Cette fois, obéissant à son chronomètre, l’aiguille interne d’une des griffes s’était grandement abaissée à la fin du parcours pour appliquer sa pointe inoffensive sur le sol ; grâce à elle l’équilibre se trouvait sauvegardé, les autres griffes s’appuyant, plus haut, sur deux dents de niveau pareil.

L’aérostat, que la soupape venait de dégonfler, fut rempli puis soulevé par une intervention durable de la lentille, et, pendant que l’aiguille-rallonge rentrait mécaniquement dans sa griffe, l’instrument, persévérant dans la même direction, alla s’emparer, au loin, d’une dent bleue fort régulière, semblable à celle qui, d’après les chroniques du second empire, déparait isolément le splendide appareil masticateur de la comtesse de Castiglione, constituant ainsi l’unique et sensationnelle imperfection de cette beauté sans égale.

À ce moment, le nuage, glissant assez vite, cessa de voiler le soleil, qui reconquit toute sa puissance.