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Page:Routhier - À travers l'Europe, impressions et paysages, Vol 1, 1881.djvu/17

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cas difficiles il faudrait voter, et pendant la votation la difficulté deviendrait une impossibilité ! Quand il y aurait ballotage, tout serait perdu ! Puis, différents partis se formeraient. Il y aurait l’avant, l’arrière, et le centre ; puis l’extrême-avant et l’extrême-arrière, l’avant-modéré et l’arrière-modéré, le centre avant et le centre-arrière !

Tous réclameraient la liberté de penser, c’est-à-dire de parler, et le grand mât se transformerait en tribune.

Voici quel serait le discours-programme de l’extrême-avant :

« Liberté, égalité, fraternité ! Au nom de la liberté, je demande qu’on renferme dans la cale le premier officier qui depuis trois jours nous fait monter au bout des mâts, pendant qu’il se promène sur le pont les deux mains dans ses poches. Au nom de l’égalité je propose que l’on rogne les deux mâts qui sont plus longs que le troisième, et que le salaire du capitaine et des officiers soit rogné mêmement.

Au nom de la fraternité je réclame la suppression du capitaine qui a commis le crime de lèse-humanité en s’élevant au-dessus de nous ! Je demande que sa tête soit mise à prix. »

Ce serait gai, mais ce ne serait pas long. À un moment donné la mer se mettrait de la partie et s’écrierait : « Au nom de la liberté je demande la suppression de ce navire qui gêne mes mouvements ! » Et ses flots immenses, s’avançant comme une armée prussienne balaierait tout sur le pont, hommes et choses !