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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/240

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retient sa nature propre ; & ses fonctions essentielles ne changent point. Comme elle n’est formée que de molécules ou d’élémens, dont la nature, les proportions & l’arrangement respectif déterminent l’espèce de la fibre & la rendent propre à telle ou telle fonction, ce sont aussi ces élémens qui opèrent en dernier ressort l’assimilation, & qui en s’unissant aux molécules nourricières, qui ont avec eux de l’affinité, leur donnent en même tems un arrangement relatif à celui qu’ils ont dans la fibre.

L’extension de la fibre suppose que les élémens peuvent changer de position respective, qu’ils peuvent s’écarter plus ou moins les uns des autres : mais cet écartement a ses bornes, & ces bornes sont celles de l’accroissement.

Deux causes concourent mutuellement à l’extension ; & l’accroissement de la fibre en particulier, & du corps en général. Premiérement, la mollesse & la flexibilité qu’elle a en naissant, & qu’elle conserve long-tems ; secondement, l’acte de la nutrition, qui à chaque instant envoie, aux différentes parties, des molécules qui s’assimilent & adhérent à toutes les parois. Les alimens réduits par la mastication, la trituration & la digestion sous forme fluide, pénétrent avec le sang dans les vaisseaux les plus étroits & les plus déliés. Là, ils passent à l’état de solide, c’est-à-dire, que, réduits par la division extrême à leur molécule, ils cessent de former un continu qui constitue leur état de fluidité. L’attraction des fibres sur les molécules analogues, l’emporte bientôt sur leur attraction mutuelle, diminuée, ou même annullée par leur disjonction dans les dernières ramifications des vaisseaux. Leur viscosité les colle, pour ainsi dire, dans les endroits où l’affinité de la fibre les avoit attirés. Pour bien entendre le méchanisme de ces deux causes agissant conjointement ensemble, concevons toutes les parties du corps composées d’entrelacemens de fibres en tout sens, formant entr’elles un tissu réticulaire, ou un assemblage de mailles régulières & irrégulières. Chaque mouvement du cœur, chaque impulsion de ce viscère ouvre, élargit & distend ces mailles ; chaque afflux du suc nourricier dépose dans cette ouverture une ou plusieurs molécules, qui n’étant d’abord qu’un suc glutineux, une humeur gélatineuse, est susceptible d’une espèce de compression, & permet aux parois de la maille de se rapprocher. Mais ce mouvement même de compression, la chaleur animale & la transpiration insensible, desséche peu à peu la molécule ; elle se durcit, résiste à la réaction de la fibre, & la contraint de rester dans l’écartement où elle étoit à son arrivée. Cet écartement a lieu tant que la fibre conserve sa souplesse, tant que les mailles peuvent s’éloigner & se rapprocher : tant que ce mouvement peut durer, la fibre croît & réciproquement tout le corps ; mais à mesure qu’elle croît, sa solidité augmente par le nombre des molécules incorporées qui augmente de jour en jour. Enfin, elle s’endurcit insensiblement, & l’accroissement est terminé.

Si l’accroissement des parties molles du corps vivant se fait par l’agrandissement & l’épaississement des mailles, celui des parties so-