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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/304

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d’un autre côté, la terre trop molle ne pouvoit supporter le poids des voitures ; ceux qui ont tenté de l’en retirer ont perdu leurs peines & leur temps ; les bestiaux sont demeurés jour & nuit aux intempéries des saisons, qui ont été si renversées, que l’ordre de la nature semble en avoir souffert. Tous les fruits, tant d’été que d’automne, ont manqué, & les arbres actuellement fleurissent comme au printemps. (3 Septembre 1763)

La plupart des herbes qui croissent dans ces endroits, ne m’ont pas paru mal-saines pour les bestiaux, & quand il en croîtroit de telles, la cause principale de l’épidémie ne doit pas leur être imputée, puisque les brebis qui ont pâturé ailleurs, & quelques chevaux qui ont vécu de foin sec, en sont également infectés, ainsi que les cochons qui n’en ont pas fait leur nourriture.

La mortalité s’étend jusque sur-les autres animaux domestiques, sans excepter la volaille, laquelle périt dans un hameau de S. Symphorien. Cependant, quelque générale que soit l’épidémie, il y a lieu de penser qu’elle n’est pas contagieuse. Il est mort dans plusieurs paroisses nombre de chiens qui avoient mangé des chairs de bestiaux morts ; mais il en est mort aussi qui n’en avoient pas mangé, & plusieurs n’ont pas cessé d’en manger chaque jour, sans être incommodés.

Au mois de mai dernier, il avoit paru sur le bétail à corne quelques maux de langue, dans une paroisse & celles qui l’avoisinent. Ce ne fut alors qu’une terreur panique, ils cessèrent sans faire de ravages. En juin & au commencement de juillet, l’épidémie régnante se manifesta sur les troupeaux de brebis, qu’elle a ravagés dans certains endroits, jusqu’au point de n’en laisser aucune : dans d’autres, le peu qu’il en reste est abandonné sans pasteur au seul soin de la providence, dans les champs ou elles périssent presque toutes. Ces animaux, naturellement délicats & foibles, sont aussitôt perdus qu’on les reconnaît malades. La mortalité des bœufs, des jumens & autres animaux, a particulièrement régné dans deux paroisses depuis la fin de juillet ; elle s’étend maintenant de toutes parts, quoiqu’avec moins de ravage dans certains lieux que dans d’autres.

Le premier symptôme qu’on leur reconnoît est le défaut d’appétit ; ce n’est pas à dire pour cela qu’il n’y en ait d’autres qui précèdent ; mais les pasteurs peu experts ne les distinguent point. Ce prélude réveille l’attention : on les voit tristes, la tête baissée, le poil redressé sans le lustre ordinaire, les flancs applatis & battans, le ventre tendu & plein, tout le corps tiraillé & paroissant vouloir faire des efforts pour uriner ; les urines qu’ils rendent sont souvent claires comme de l’eau ; l’excrétion des matières est plus rare, la rumination cesse dans le bétail à corne ; quelques heures après, s’il ne survient point de tumeurs à la superficie du corps, les frissons les saisissent, ils tremblent, leurs yeux se ternissent & deviennent larmoyans ; il sort une bave tenace de la bouche & des narines ; ils se couchent & meurent tranquillement, ou agités de convulsions plus ou moins vives. Dans ces extrémités ils alongent souvent la tête, ils sont essoufflés, ils poussent de longs soupirs, quelquefois aussi ils toussent. Ces symptômes