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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/305

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viennent souvent avec tant de rapidité, que la bête périt sans qu’on les ait vus. Plusieurs bœufs ont succombé sous le joug ; plus le cours de ces accidens est prompt, plus le danger est grand & sans ressource. La violence des frissons est toujours funeste ; lorsque la véhémence des symptômes se déclare avec plus de lenteur, il n’y a ordinairement point de frisson ; mais s’il en arrive, ils sont de mauvais augure, proportionnellement plus ou moins, selon leur durée & leur rigueur. Dans le développement des signes, il arrive souvent qu’il paroît des tumeurs, qui se manifestent indifféremment sur toute la superficie du corps ; elles sont quelquefois fixes dans la première partie où elles se sont déclarées ; d’autres fois elles disparoissent pour se montrer ailleurs ; si elles s’évanouissent, l’animal périt ; si au contraire, l’animal conservant ses forces, elles se multiplient sur toute l’habitude du corps, sur les parties les moins essentielles à la vie, on peut se flatter d’espérance. L’expérience journalière commence à prouver que la guérison dépend essentiellement de la bonne issue des tumeurs, & de leur caractère le plus approchant de celui du phlegmon. Les tumeurs sont humorales plutôt que phlegmoneuses ou inflammatoires ; l’inertie des solides organiques, & la putréfaction des humeurs les rendent telles dans les animaux attaqués de l’épidémie.

La manifestation des tumeurs semble d’abord affecter les muscles : on sent sous la main dans la partie, les chairs devenues dures sans être beaucoup enflées ; bientôt après il s’infiltre, dans le tissu cellulaire des environs, une humeur qui en relâche les fibres, les énerve & élève le cuir en bosse. Si l’on ne se hâte de faire une ouverture pour la tirer de-là, son séjour produit la gangrène qui ne manque pas de gagner plus loin, ou si le mal est près de quelques viscères nécessaires à la vie, la bête meurt avant qu’il ait fait de plus grands progrès. Ces sortes de tumeurs sont flasques, il ne s’en écoule qu’une sérosité rousse & sanieuse. S’il s’y établit une suppuration louable, tout va au mieux, les forces de l’animal reviennent, il recouvre l’appétit : si, au contraire, il n’y a qu’un écoulement séreux sans suppuration, la guérison vient lentement, les bêtes languissent, sont tristes & abbattues, jusqu’à ce que les chairs vives reprennent insensiblement leur ressort, & se séparent de tout ce qu’il y a de gangrené, qui tombe pour laisser paroître une plaie bien colorée, que les bœufs ont alors eux-mêmes soin de nettoyer avec leur langue pour la faire cicatriser.

Il y a, au surplus, une remarque à faire, au sujet de la gangrène des tumeurs, elle est d’une espèce particulière. Le tissu cellulaire & les chairs sont plutôt macérées que pourries ; elles ont une couleur pâle tirant sur le livide, & elles conservent une consistance assez ferme, quoique leurs fibres soient désunies ; en sorte qu’on peut dire que c’est plutôt une macération qu’une putréfaction. Il n’en est pas de même de l’escarre qui tombe avant la cicatrisation des plaies ; elle est noire & tout à fait corrompue & fétide. Si ces tumeurs demeurent donc dans leur état de relâchement & de flacidité naturelle, on a toujours à craindre que l’hu-