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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/323

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pensoit qu’il étoit important que la neige fondît au pied des érables, pour obtenir beaucoup de liqueur, & M. Gautier observe que lorsque la neige fond, la récolte est abondante ; mais il ajoute que ce n’est que parce qu’alors l’air est assez doux pour occasioner un dégel. 6°. Les entailles faites en automne, fournissent de la liqueur pendant l’hiver, toutes les fois qu’il arrive des dégels ; mais cependant, plus ou moins, suivant les circonstances déjà indiquées. Ces sources tarissent entièrement, lorsque les boutons sont épanouis, & l’année suivante il faut ouvrir de nouvelles plaies, parce que les anciennes ne fournissent plus rien. 7°. M. Gautier a remarqué que si l’on fait deux plaies à un arbre, savoir, une au haut de la tige ; & l’autre au bas, celle-ci donne plus de liqueur que l’autre. Il assure encore qu’on ne s’apperçoit point qu’un arbre soit épuisé par l’eau qu’il fournit, si l’on se contente de ne faire qu’une seule entaille à chaque arbre ; mais si on en fait quatre ou cinq, dans la vue d’avoir une grande quantité de liqueur, alors les arbres dépérissent, & les années suivantes ils donnent beaucoup moins de liqueur. 8°. Les vieux érables donnent moins de liqueur que les jeunes, mais elle est plus sucrée. 9°. M. Gautier prouve, par de fort bonnes expériences, que la liqueur coule toujours par le haut de la plaie & jamais par le bas de l’entaille. 10°. Afin de ménager les arbres, on a coutume de ne faire les entailles que depuis la fin du mois de mars, jusqu’au commencement de mai, parce que c’est dans cette saison que les circonstances sont plus favorables pour que la liqueur coule abondamment. Il est bon d’être averti que la liqueur qui tombe en mai, a souvent un goût d’herbe désagréable ; les canadiens disent alors qu’elle a un goût de sève.

Après avoir recueilli une quantité de suc d’érable, par exemple, deux cens pintes, on le met dans des chaudières de cuivre ou de fer, pour en évaporer l’humidité par l’action du feu ; on enlève l’écume, quand il s’en forme ; & lorsque la liqueur commence à s’épaissir, on a soin de la remuer continuellement avec une spatule de bois, afin d’empêcher qu’elle ne brûle, & afin d’accélérer l’évaporation. Aussi-tôt que cette liqueur a acquis la consistance d’un sirop épais, on la verse dans des moules de terre on d’écorce de bouleau ; alors en se refroidissant, le sirop & durcit ; & ainsi on a des pains ou des tablettes d’un sucre doux, & presque transparent, qui est assez agréable, si on a su attraper le degré de cuisson convenable ; car le sucre d’érable trop cuit a un goût de mélasse ou de gros sirop de sucre, ce qui est peu gracieux.

Deux cens pintes de cette liqueur sucrée produisent ordinairement dix livres de sucre : quelques-uns raffinent le sirop avec des blancs d’œufs, cela rend le sucre plus beau & plus agréable. Il y a des habitans qui gâtent leur sirop, en y ajoutant deux ou trois livres de farine de froment, sur dix livres de sirop cuit. Il est vrai que ce sucre est alors plus blanc, & qu’il est même quelquefois préféré par ceux qui ne connoissent pas cette supercherie, mais cela diminue beaucoup l’odeur agréable & la saveur douce que doit