Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

perfection & non de l’économie. Ce réfrigérant empêche que les vapeurs élevées de la chaudière, & qui entraînent avec elles une portion de l’huile du vin, ne contractent le goût de brûlé, en frottant contre le chapiteau ardent. On peut juger de son degré de chaleur, puisqu’il est capable de conduire l’eau du réfrigérant, presque jusqu’à l’état d’ébullition. On doit juger de-là, combien cette huile, déjà très-âcre par elle-même, acquiert encore d’acrimonie par l’ustion, & d’autres qualités aussi désagréables. Lorsqu’elle est brûlée, elle devient empyreumatique, & une très-petite portion suffit pour donner un très-mauvais goût à une grande masse d’esprit ardent ; il est donc essentiel d’avoir un alambic garni de son réfrigérant & d’un serpentin à plusieurs spirales, qui iront toujours en diminuant de diamètre intérieur, en partant depuis son union avec la chappe ou queue du chapiteau jusqu’au bassiot.

Il n’est pas indifférent que la cucurbite de l’alambic soit en cuivre ou en étain fin, ainsi que toutes les autres pièces. L’étamage du cuivre le garantit foiblement, & pendant peu de temps, de l’action de l’acide du vin bouillant sur lui ; cet acide le corrode & se charge des parties cuivreuses & de celles du plomb mêlées avec l’étamage ; il est donc essentiel d’employer des vaisseaux d’étain fin ou de cuivre, préparés à la manière de MM. Argand, lorsqu’ils publieront leur secret : on doit toujours travailler au bain-marie pour la rectification des esprits.

Kunckel, chymiste allemand, est le premier qui ait découvert l’huile dans le vin. Cette huile surnage la liqueur lorsqu’on a fait l’éther-vitriolique ; mais pour l’obtenir par un procédé plus simple, il faut revenir à celui de Kunckel, c’est-à-dire, mettre une partie d’eau sur quatre, cinq ou six parties d’esprit de vin ; tenir le tout dans des vaisseaux clos, & les laisser digérer ensemble pendant huit à douze jours, & on distille ensuite au bain-marie au degré moyen de l’eau bouillante. Il reste dans la cucurbite, de l’eau, de l’huile, & une petite portion d’esprit de vin, parce que si on eût tenté de le tout retirer, il seroit monté un peu d’eau : ce procédé est fondé sur la plus grande affinité de l’esprit de vin avec l’eau qu’avec l’huile ; par conséquent, toutes les fois qu’on lui donne de l’eau, il abandonne l’huile pour se joindre à l’eau, & dans la distillation il monte seul, si on a le soin de modérer le feu aux degrés 76, 77 ou 78 de chaleur, l’esprit de vin monte pur ; à une chaleur plus forte, il entraîne des parties d’eau avec lui.

On peut rectifier cet esprit de vin une seconde fois par un semblable procédé, mais pas davantage, parce qu’il se décompose. L’odeur de cet esprit ardent est douce, agréable, & ne ressemble en rien à celle de l’eau-de-vie du commerce. M. Dubuisson, marchand liquoriste de Paris, est parvenu à se procurer cette huile sous une forme concrette, en suivant le procédé de Kunckel ; mais il laisse refroidir le résidu dans la cucurbite sans déluter le chapiteau. Cette huile avoit une couleur brune ; mise dans une soucoupe de porcelaine, elle acquit la consistance du beurre, & ensuite celle du suif de mouton ; elle étoit âcre & désagréable au goût,