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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/445

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la plus grande profondeur où l’on ait creusé jusqu’à présent des falunières, est de vingt pieds : on n’a pas été plus avant, à cause de l’eau qui y source de tous côtés. Quelle immense quantité de coquilles ! quel dépôt ! ajoutons, aussi quel trésor ! car l’industrie humaine a su en tirer parti, & ces dépouilles marines deviennent tous les jours un excellent engrais pour les terres qui les recouvrent.

L’origine de cet amas de débris de coquilles presque réduites en poussière, formant une masse de plus de vingt pieds d’épaisseur sur plus de trois lieues de longueur, éloigné de la mer de plus de trente-six lieues, n’est pas aussi facile à donner qu’on le pense : l’attribuer tout amplement à un courant de mer, qui, retenu & brisé par les collines voisines, a laissé déposer ces fragmens qu’il rouloit avec ses eaux, c’est donner une explication simple de ce fait singulier & peut-être unique d’histoire naturelle. Abandonnons-la aux physiciens qui s’occupent de la nature en grand, & considérons les falunières par rapport à leur exploitation & à leur utilité. Les observations suivantes serviront pour les pays où l’on viendra à en rencontrer de pareilles.

Lorsqu’un paysan de ce canton veut faluner sa terre, il examine d’abord si dans son district il se trouve des indices de falun. Cette substance se montre quelquefois à la surface, mais ordinairement elle est recouverte d’une couche de terre de quelques pieds d’épaisseur. Les endroits bas, aquatiques, peu couverts d’herbes, promettent du falun proche de la surface de la terre ; il sonde, & dès que la couche de terre a plus de neuf à dix pieds ; il n’en fait pas la fouille, parce que la dépense deviendroit trop considérable. Lorsqu’on est assuré de la présence du falun, on rassemble un grand nombre d’ouvriers ; il est rare qu’on en emploie moins de quatre-vingts à la fois, & quelquefois le nombre va à plus de cent cinquante. On ouvre des trous quarrés, à peu près de trois à quatre toises de longueur ; la première couche de terre enlevée, & le premier falun tiré & jeté sur les bords du trou, le travail se partage ; une partie des travailleurs creuse, tandis que l’autre épuise l’eau.

Comme la plaine où se trouve le falun est basse, que la masse elle-même de falun est comme une éponge, il n’est pas étonnant qu’elle soit perpétuellement imbibée d’eau qui coule par-tout où elle trouve une issue. Pour être moins fatigué par l’affluence des eaux, on ouvre communément les falunières vers le commencement d’octobre.

On creuse les trous en forme de gradins ; c’est là-dessus que se placent les ouvriers, depuis l’orifice du trou jusqu’à son fond. Pendant que les uns avec des seaux puisent & étanchent l’eau, les autres enlèvent le falun : pour aller plus vite, l’eau dans les seaux, & le falun dans des corbeilles montent de main en main jusqu’à l’ouverture, à peu près comme l’on voit les maçons ou les couvreurs distribués sur un échelle, depuis le bas d’une maison jusqu’à son faîte, se passer de main en main la tuile ou l’ardoise. L’eau est jetée d’un côté du trou, & le falun d’un autre ; on ne met tant de célérité dans ce travail, que parce que l’eau source fort vite, & auroit bientôt