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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 4.djvu/497

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tion ; l’action des sels est plus vive, & plus forte sur les parties huileuses ; & l’esprit de vin, à mesure qu’il se forme, à une action de combinaison plus directe sur tous les principes du moût, & de la partie colorante de la pellicule du raisin. On ne doit pas oublier que toutes circonstances étant égales, une cuvée dont la vendange sera mise dans la cuve avec la grappe & les grains mal foulés, fermentera plus sensiblement que celle dont le raisin aura été foulé & séparé de sa grappe, c’est-à-dire, que le bouillonnement sera plus sensible : la partie colorante en sera moins dissoute, parce que l’esprit, &c. ne peut avoir prise sur elle tant que le grain n’est pas écrasé, sur-tout lorsqu’il tient encore à la grappe, & son action est très-foible ou presque nulle si le grain est resté entier quoique séparé de la grappe.

Je regarde le foulage rigoureux, comme un des points les plus importans, & sans lequel il ne s’établit jamais une bonne fermentation. Moins la vendange est mure, plus il est rigoureusement indispensable. Mais quand doit-on fouler ? Au moment même qu’on jette le raisin dans la cuve, & il ne doit pas y tomber sans l’être exactement. Dans plusieurs de nos provinces, on suit des coutumes différentes ; dans quelques-unes on se contente de faire entrer des hommes dans la cuve dès qu’elle est remplie, & ils piétinent la vendange pendant une heure environ ; dans quelqu’autres, ils entrent chaque jour dans la cuve, jusqu’au moment qu’on la tire, & lorsque l’air fixe, qui s’en échappe, ne leur permet pas d’y entrer, il exécutent cette opération avec de longues perches de bois ; ce qu’ils appellent barrer, barrayer la cuve ; au mot Fouler, on entrera dans de plus grands détails. Ces opérations sont détestables & absolument contraires à tous les principes ; chaque fois qu’on renouvelle l’agitation ans la masse de vendange, on interrompt & on dérange la fermentation qui doit être une, pour être bonne ; on facilite la sortie d’une très-grande quantité d’air fixe &c du phlogistique, qui sont l’un, l’ame du vin, & l’autre son conservateur, & que l’on doit par conséquent chercher à retenir & à y concentrer autant que les circonstances le permettent.

Le foulage rigoureux produit encore un effet excellent, relativement à certaines provinces du royaume, & sur-tout aux maritimes. Les étrangers qui achètent les vins & les embarquent, préfèrent les vins bien colorés à ceux qui le sont moins, quoique de qualité supérieure, parce qu’ils sont dans la ferme persuasion qu’ils soutiennent mieux la mer. J’admettrai, s’ils le veulent, leur principe, mais à une condition, qui est que cette intensité de couleur soit plutôt due au foulage rigoureux, qu’à une fermentation tumultueuse trop longuement soutenue. Plus on foule la vendange, plus la partie colorante, contenue sous la pellicule, est à découvert, & plus l’esprit ardent à mesure qu’il se forme, aidé par les sels & par la chaleur, a de facilité à la dissoudre. Si on doute de ce point de fait, supposons toutes les circonstances dans le choix des raisins, de la cueillette, de la fermentation, &c. ; que l’on remplisse une cuve avec des raisins rigoureusement foulés, une seconde dont la moitié soit sim-