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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/608

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rapporte qu’on lui fit voir une poire monstrueuse de ce genre. C’étoit moins un seul fruit que deux fruits réunis. Le premier étoit formé de la queue & de la moitié d’une poire ordinaire ; l’autre formoit la partie la plus considérable, & l’extrémité du fruit ; entre les deux, sortoient de part & d’autre des feuilles qui se touchoient avec symétrie, & s’unissoient de manière qu’on les eût prises pour une seule feuille diversement découpée ; on ne voyoit aucune séparation dans l’intérieur, & tout y étoit tellement disposé, qu’on eût dit que c’étoit un seul fruit, si ce n’est quelques fibres irrégulières, & les pépins dispersés confusément, qui annonçoient un peu le vice de la conformation.

M. Bonnet a vu pareillement une poire qui donnoit naissance à une tige ligneuse & nouée, dont le sommet portoit une seconde poire un peu plus grosse que la première. Il falloit que cette nouvelle tige eût porté fleur, & que le fruit eût noué.

M. Duhamel a fait la même observation sur un jeune poirier, dans le jardin des Chartreux de Paris. De l’œil de presque toutes les poires de cet arbre, sortoit une branche ou une fleur, & quelques-unes de ces fleurs qui avoient noué leurs fruits, produisoient une poire double, dont l’une sortoit de l’extrémité de l’autre. Il arrive fréquemment quelque chose de semblable aux citronniers ; on y trouve de ces fruits surnuméraires, renfermés, soit en partie, soit même quelquefois en entier, dans le vrai fruit. Cette observation est confirmée par une semblable de M. Marcorelle, consignée dans le Journal de Physique, de février 1781. Il cite aussi un grain de raisin double, c’est-à-dire un petit grain, garni de feuilles & d’une petite tige, sortant d’un gros.

Les monstruosités des fruits, par approche, ou par greffe naturelle, sont très-communes. Il n’est pas rare de voir deux fruits accolés l’un à l’autre, & recouverts par la même écorce & le même épiderme : les deux péricarpes n’en faire qu’un ; les graines multipliées en raison des deux individus, & cependant le tout porté par un pédicule commun. Les baies de genévriers, les prunes, les cerises, les poires, les pommes, &c. sont sujets à cet accident. M. Scholotterberg a observé un concombre de jardin, double, & réuni à un plus petit.

Telles sont en général les principales monstruosités naturelles que l’on a observé dans les plantes. Nous traiterons, au mot Maladie, de celles qui surviennent par accidens, que l’on a regardé improprement comme des monstruosités, qui n’en sont point, mais de simples maladies ou excroissances produites par des piquures d’insectes, des déchirures, des luxations, &c &c. Cherchons à présent à expliquer, autant que nous le pourrons, les causes des monstruosités naturelles.

Section IV.

Causes des monstruosités végétales.

Hypocrate, en comparant les monstruosités animales aux végétales, nous a indiqué qu’il falloit ici raisonner par analogie, comme dans presque tous les grands phénomènes de la végétation, (Voyez au mot Arbre, le parallèle du règne végétal avec le règne