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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/609

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animal.) Lorsque dans la physiologie animale on eut imaginé que tout se produisoit par des œufs, on commença à raisonner assez juste sur l’origine des monstres ; tout ce que l’on avoit dit auparavant étoit, ou absolument contraire à la véritable physique, ou des explications plus obscures que ce que l’on vouloit expliquer. On accusoit la nature d’erreur & de méprise, qu’il falloit lui pardonner ; & l’on regardoit les monstres, ou comme indignes de l’attention d’un philosophe, ou comme l’objet de son horreur. La science faisant des progrès insensibles, a, peu-à-peu, détourné le voile dont la nature se cachoit dans la fabrication des monstres ; & la découverte des germes & des œufs, a commencé celle de la formation des monstres ; c’est dans leur existence, leur manière d’être, & dans leur développement que l’on a cherché la cause de ce phénomène. Mais, à peine a-t-on cru avoir trouvé le vrai principe, qu’il s’est élevé deux sentimens fameux. L’un enseignoit que des œufs, originairement monstrueux, qui se développoient aussi régulièrement que les autres, produisoient naturellement des monstres, & que par conséquent ces monstres étoient autant la première intention de la nature, que les animaux ordinaires & parfaits.

Suivant le second système, les monstres doivent leur origine à l’union & à la confusion accidentelle de deux œufs. Tous les autres systêmes se rapprochent plus ou moins de ces deux-là ; par conséquent il est inutile d’en faire ici mention.

Les germes ayant été substitués aux œufs, les mêmes principes peuvent avoir lieu avec les germes comme avec les œufs, & il peut y avoir des germes monstrueux, ou deux germes se pénétrant & se confondant l’un avec l’autre. Comme dans le règne végétal la doctrine des germes paroît absolument démontrée, (Voyez le mot Germe) nous l’emploirons pour chercher à expliquer la formation des monstres. M. Bonnet nous sera d’un très-grand secours ; & comme en général nous avons adopté la sublime théorie de cet illustre savant, pour la physiologie, il sera encore notre guide dans le labyrinthe obscur que nous allons parcourir.

Les germes destinés par la nature à se développer un jour & à vivre, doivent être doués de toutes les qualités nécessaires à cet objet, sans quoi le but de la nature ne seroit pas rempli. S’il s’en trouvoit d’originairement monstrueux, ils iroient directement contre la sagesse de l’auteur de la nature ; je doute même qu’il pût être fécondé dans cet état ; car le germe n’étant composé que des seules parties élémentaires, resserrées les unes contre les autres, qui doivent un jour se développer par la fécondation & l’accroissement, s’il manquoit une seule de ces parties élémentaires, ou s’il s’en trouvoit quelques-unes de doubles, pourroit-il exister dans ce germe, en cet état de désordre, la faculté de se développer. Avant la fécondation, on peut considérer le germe naturel comme une montre ordinaire, douée de toutes ses pièces infiniment parfaites, mais dont le ressort n’est pas monté. On monte ce ressort : voilà l’acte de la fécondation ; voilà le stymulus, le ressort bandé, tout marche, tout va,