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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1785, tome 6.djvu/769

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encore une autre inconvénient d’abreuver les troupeaux dans les marais salans ; les bords en sont remplis d’herbes que les moutons broutent : ces herbes contiennent beaucoup d’humidité, des parties limoneuses & âcres que le sel qu’elles renferment ne sauroit corriger ; on ne doit donc pas, sous prétexte d’économie, faire abreuver les troupeaux dans ces marais, parce que le prétendu avantage qu’on croit en tirer, ne compense pas les inconvéniens qui peuvent en résulter.

M. Leblanc, inspecteur des manufactures de Languedoc, après avoir réfléchi tant sur les inconvéniens que sur la dépense que le sel occasionne, a tâché de remédier à l’un & à l’autre, par le moyen de certains gâteaux salés, qui, en faisant le même effet que le sel, n’en ont pas les inconvéniens, & diminuent la dépense de trois cinquièmes : nous en avons introduit l’usage dans quelques granges de notre département, & les propriétaires s’en trouvent bien : voici en quoi consiste cette méthode économique.

La base de ces gâteaux est de la farine de froment, qu’on mêle avec de la farine d’orge, ou par moitié, ou par cinquième. Sur une quantité déterminée de cette farine, on y met un quart de sel. On prend le tiers du poids de ces farines mélangées, que l’on pétrit avec une quantité d’eau suffisante, & dans laquelle on a fait dissoudre environ un huitième de sel, en supposant toujours qu’on en emploie vingt-cinq livres, pour un quintal de farine. On met dans la pâte la quantité de levain d’usage : lorsque cette première pâte est bien levée, on prend le second tiers, que l’on pétrit avec le premier, en les mélangeant ensemble par le moyen d’une quantité d’eau suffisante, dans laquelle on aura fait dissoudre le tiers de ce qui restera de sel, & lorsque cette pâte est encore bien levée, on pétrit le troisième tiers, que l’on mêle avec les deux premiers par le moyen de l’eau qui reste, & dans laquelle on a fait dissoudre le surplus du sel. Dans tous ces cas, le sel doit être dissous dans l’eau, pour le distribuer également par-tout. Après avoir donné à la pâte le temps nécessaire pour lever & être mise au four, on la divise en petits gâteaux d’une livre : ces gâteaux doivent être plats, c’est-à-dire, qu’on ne doit leur donner qu’un pouce d’épaisseur, afin qu’il n’y ait absolument que la croûte, soit pour éviter que ceux que l’on conserve ne se moisissent, soit pour les concasser avec plus de facilité. On fait ensuite cuire ces gâteaux comme le pain ; il vaut mieux qu’ils soient trop cuits que trop peu, parce qu’ils se broyent & se conservent mieux quand ils sont un peu secs. Lorsqu’on les a tirés du four, on les laisse refroidir entièrement avant de s’en servir, & si on veut les conserver, on doit les mettre dans un endroit sec & à l’abri des rats : on peut les garder, sans risque, une année.

Avant de donner aux moutons les gâteaux salés, il faut les concasser par petits morceaux, afin que la distribution en soit plus égale. Si cette distribution se fait en plein champ ou dans une basse cour, on pourroit avoir deux planches en forme de goutière, avec un linteau en-dedans, pour les assujettit & faciliter aux moutons le moyen de prendre tout ce qu’ils trouveront ; on aura seulement atten-