Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la partie recouverte de goudron.

Plusieurs auteurs partant du même principe que M. Sieuve, ont donné la recette de différentes espèces de goudrons à employer de la même manière. La base de ces préparations est le guitran, les poix-résines, l’huile de cade, d’aspic, la térébenthine, fondus ensemble, auxquels on ajoute des feuilles réduites en poudre dont l’odeur soit très-forte, telle que celle de la rue, de la tanaisie, &c. ; ces préparations n’agissent donc que par l’odeur qui S’en exhale. Dans ce cas, si l’insecte ne meurt pas dans son état de larve, & s’il parvient à celui d’insecte parfait, il quittera & abandonnera promptement un séjour qui lui devient funeste, & il passera sur un autre olivier où il respirera mieux à son aise. Le goudron aura donc simplement produit un déplacement de l’insecte d’un arbre sur un autre. Ce sera déjà beaucoup ; & si tout un village, tout un canton répète l’opération à la fois & aux mêmes époques, il est constant qu’on parviendra à les éloigner tous, si toutefois la supposition que l’odeur forte produise cet effet, est vraie. Dans ce cas, de petits paquets faits avec les tiges & les feuilles de la tanaisie, de la rhue, du marrube, &c. imbibés de goudron, & sont suspendus de distance en distance sur les branches, produiront un effet plus direct, parce que le foyer de l’odeur sera plus rapproché de l’insecte, & par conséquent agira plus vivement sur lui.

Je sais, d’après ma propre expérience, que les odeurs vives & pénétrantes, & tout le monde le sait aussi-bien que moi, éloignent les insectes. Par exemple, celle de la rafle du raisin lorsqu’on le retire de dessus le pressoir & qu’on en jette une certaine quantité au pied de l’arbre ; mais cette odeur vraiment spiritueuse peut-elle être comparée à celle des goudrons ? D’ailleurs l’insecte niché dans l’olive n’y est pas exposé, & il s’y nourrit & vit fort tranquillement ; je me suis assuré de ce fait. L’odeur quelconque n’éloigne donc l’insecte que lorsqu’il se trouve dans son état parfait, c’est-à-dire dans l’état de mouche ; mais cette odeur tue-t-elle la larve nichée entre les deux écorces des feuilles, & qui s’y nourrit de leur parenchyme ? tue-t-elle les larves qui vivent dans la partie intérieure des jeunes pousses, & dont l’écorce leur sert d’étui ? J’ose dire que non. J’ai vérifié ces faits avec la plus grande attention. Les odeurs chassent les seuls insectes parfaits, & empêchent seulement, pendant un certain temps, que de nouveaux insectes se jettent sur l’arbre ainsi préparé. Les fumigations ne produisent pas des effets différens. Il résulte de là que ces préparations si vantées, que ces arcanes ont séduit plutôt que convaincu les hommes qui les Ont employés. Cependant des procès-verbaux authentiques & signés par un grand nombre de témoins sembleroient devoir obtenir notre confiance, & elle seroit justement placée si on avoit auparavant bien constaté que la rigueur des froids de l’hiver n’avoir pas détruit un grand nombre de larves dans les feuilles, dans les bourgeons, &c., car le froid est l’ennemi le plus décidé & le plus actif qu’aient ces insectes. Il faudroit encore avoir examiné une infinité d’autres circonstances dont le détail seroit ici superflu. Il ne manque jamais de témoins de ces sortes de miracles, mais il faut auparavant constater que le miracle existe. D’ailleurs, si le foyer des