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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/313

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pas besoin d’autant d’arrosemens que l’autre ; mais les racines & leurs chevelus ont la plus grande peine à s’étendre : on a beau passer & repasser au crible cette terre, l’unir avec un fumier quelconque, ce n’est que très à la longue, & avec beaucoup de peine, qu’on parvient à la mélanger.

La terre des taupinières a son mérite lorsque l’animal travaille dans un sol depuis long-temps en prairie, & sur-tout si elle est sujette à être couverte par des inondations qui charient & déposent beaucoup de limon. Le limon seroit par lui-même trop compact ; mais les débris annuels des végétaux & des animaux lui donnent de la souplesse & augmentent la masse de l’humus ou terre végétale. Mais la terre des taupinières d’un champ ordinaire n’a pas plus d’efficacité que celle de ce même champ.

Quelquefois on fait mélange de parties égales de fumier de cheval, de fientes de vaches, de crottins de moutons & de bonne terre : on mêle le tout ensemble, on le laisse amoncelé pendant un an ou deux, & de temps à autre, on le passe à la claie, afin de le bien combiner. Cette préparation n’est pas mauvaise ; j’aimerois cependant mieux qu’il y eût moitié franche de bonne terre.

Les balayures des rues, les matières des voieries, & même les excrémens humains, unis à une bonne terre, & lorsqu’on a laissé le tout fermenter ensemble pendant deux à trois ans, fournissent un mélange bien substantiel. On ne sauroit trop le laisser vieillir, ni le passer trop souvent à la claie après la première année, afin que la combinaison devienne parfaite. Le grand point est de rassembler beaucoup d’humus ou terre végétale, puisque c’est la seule qui fournit les matériaux de la séve, & dont est formée la charpente de la plante.

Il n’est pas toujours facile de se procurer ces divers engrais ; quelquefois on n’a pas le temps de les préparer, car ils ne sont utiles qu’autant qu’ils sont consommés & bien unis avec les molécules de la terre. Dans presque tous les cas, je préférerois des gazonnées prises dans les prairies dont on a parlé ci-dessus parce que le limon déposé par l’eau est une vraie terre végétale qu’elle a tenue en dissolution, & qui devient noire par l’addition des débris des plantes & des animaux. Voyez le mot Amendement, & le dernier chapitre du mot Agriculture, où sont détaillées très-au long les opérations de la nature, & les combinaisons qu’elle suit dans la préparation de la séve. Ces gazonnées amoncelées pendant un ou deux ans, & criblées quelques fois, sont à mon avis la meilleure terre pour les orangers.

Si on veut bien préparer les terres, on doit auparavant avoir ouvert des tranchées de deux à trois pieds de profondeur pour les recevoir. Lorsqu’elles sont remplies du mélange, on les recouvre, ou avec d’autre terre compacte, ou avec des gazons ou avec des planches, afin d’empêcher l’évaporation de leurs principes. Lorsqu’il s’agit de les cribler, on lève la couche supérieure, ensuite on passe tout le mélange, qui est remis dans la fosse avec les mêmes précautions que la première fois.