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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/325

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nouer & devenir oranges ? Voici mon sentiment que je soumets au jugement des personnes dégagées de toute prévention. Je ne puis voir, sans douleur, la quantité prodigieuse de branches qu’on abat tous les ans sur des orangers dont on fait autant de squelettes, pour leur faire pousser de nouveau bois qui aura son tour l’année suivante. Cette foule de bourgeons est jetée bas en pure perte pour l’arbre : on ne peut pas dire qu’ils soient mauvais, ni que ceux qui les remplaceront puissent être meilleurs. En vain me répondra-t-on que c’est pour rapprocher l’oranger, de peur qu’il ne s’emporte & ne s’étende trop. Voici un moyen plus efficace, & qui ne violente pas du moins la nature. »

» On convient qu’un arbre vigoureux qui ne se porte point à fruit, ne peut faire que des pousses fongueuses, mais que dès qu’il s’y met, il devient sage : ainsi donc au lieu de réduire les orangers presqu’à rien, on doit leur faire porter assez amplement de fruits pour consommer la séve : cela ne revient-il pas au même ? on aura du moins un profit réel. Pourquoi la plupart de nos oranges arrivent-elles rarement à maturité, sont-elles dépourvues de goût, petites, sèches & rabougries ? c’est parce qu’elles prennent naissance sur des arbres qu’on altère dans le principe, dont on dérange le mécanisme par des coupes réitérées, & dont on détruit l’organisation par des encaissemens meurtriers, en coupant les racines, principe de toute végétation. Toutes ces mutilations enlèvent à l’arbre sa substance, & opèrent le même effet que des saignées fréquentes faites à un homme jeune & robuste. Lorsque cet arbre n’épanchera plus sa séve dans des bourgeons dont on le prive incessamment, que ses racines ne seront plus à l’air, qu’on ne le laissera plus manquer d’eau ; il poussera sagement, & ses fruits, venus dans l’ordre de la nature, mûriront & auront suffisamment de goût, autant que nos muscats blancs & violets, nos figues, nos melons, nos grenades, quoique leur goût soit inférieur à celui qu’ont ces fruits dans leur pays natal. »

» C’est à l’âge, à la force, à la santé des arbres, & à diverses circonstances qui décident de leur état, à régler la quantité d’oranges qu’ils peuvent nourrir ; je crois qu’on doit la proportionner à celle du bois que tous les ans on a coutume de leur ôter. Ainsi, par exemple, je suppose que la suppression que je fais annuellement des pousses d’un oranger, puisse équivaloir à une trentaine d’oranges, je lui en laisse ce nombre ; si je crois que c’est trop, ou pas assez, je me réforme. Ces fleurs doivent être laissées dans le bas des branches, près de l’endroit où est la jonction, & non dans le centre de l’arbre où le fruit seroit trop ombragé, non plus qu’à l’extrémité des branches où son poids pourroit occasionner leur fracture lorsque le vent les agite. L’oranger ayant beaucoup de disposition à jeter ses oranges toutes nouées, il faut lui en laisser nouer plus que moins, sauf à le décharger si le nombre se trouve trop grand. On conserve encore les fleurs les plus alongées, qui ont la queue la plus grosse, & qui se portent vers le haut. »

» On cueillera tous les jours la