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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/340

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cas, la quantité de semences à répandre dépend de la qualité du sol ; personne ne peut la fixer, à moins qu’il ne connoisse spécialement celle de tel ou tel champ. Le cultivateur doit suivre la méthode de son canton jusqu’à ce qu’une expérience de plusieurs années lui ait démontré qu’elle est défectueuse. Cependant on peut dire, en général, que l’on sème par-tout trop épais, puisque l’orge est de toutes les plantes graminées, celle qui se plaît naturellement à pousser le plus grand nombre de tiges. D’après ce seul point de fait, le cultivateur intelligent devroit diriger ses travaux & ses semis.

Un agronome qui jouit d’une réputation distinguée, propose de couper l’orge avant que l’épi ait acquis sa parfaite maturité ; & il s’explique ainsi : « l’orge coupée précisément quand la tige commence à durcir, renflera, se bonifiera dans l’épi lorsqu’elle sera en javelles ; elle se séchera ensuite insensiblement, & se durcira sans diminuer de volume. J’ai vu arriver tout le contraire dans de l’orge qu’on avoit laissée sur pied jusqu’à pleine maturité, sur-tout lorsqu’il étoit tombé une quantité considérable de pluie avant la coupe. Le grain qui, dans ce cas, avoit renflé tout d’un coup, & qui étoit alors durci en quelque sorte dans l’épi, s’étoit retiré d’une façon surprenante. Dans un été sec, l’orge doit être coupée plutôt que quand cette saison est humide ; le tout dépend de ce principe, que sa racine n’est plus d’aucun usage quand l’extrémité de ses fibres dépérit ; ce qui arrive toujours avant la parfaite maturité de la graine ; & pour lors, quand les racines ont cessé leurs fonctions, il reste encore dans la tige un moyen de tirer de la nourriture par l’humidité de l’air. C’est un avantage qu’on doit absolument procurer au grain pour le faire renfler & mûrir. Or, il n’y a pas d’autre moyen pour cela que de couper l’orge précisément lorsque la racine a cessé de voiturer la nourriture, & que la tige est encore en état de renouveler ce secours & de le porter jusqu’à l’épi. »

» Le véritable moyen pour connoître cet état de la plante, est d’en examiner la tige ; car dès que les fibres des racines commencent à dépérir, elles deviennent moins remplies de sucs qu’auparavant, la tige est encore en état de recevoir la nourriture, & de la faire passer en épi, quoique la racine n’en fournisse plus. L’air contient assez de cette nourriture, mais le tuyau ne peut pas en recevoir une quantité suffisante, qu’il ne soit coupé & détaché de sa racine, au lieu qu’alors tout le procédé se fait utilement & convenablement. »

Je ne suivrai pas l’auteur dans la suite de ses raisonnemens qui partent du même principe. J’admettrai même avec lui que l’orge ainsi coupée est la meilleure pour faire la drèche. À force de raffiner, de théoriser, on s’écarte de la marche & du but de la nature qui, sans le secours de l’homme, conduit chaque espèce de graine à son véritable point de maturité, & par conséquent à sa perfection & au terme où il doit être pour se reproduire. Si le grain de l’orge coupée, ainsi qu’on le suppose, profite encore du reste de séve de la tige & des bons effets de l’air, à plus forte raison l’orge coupée en profitera bien mieux, puisque chaque tige est