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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/466

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révolte le bon sens & la raison.

Quoi ! parce qu’il est quelquefois nécessaire de faire passer un troupeau sur un blé qui s’épuiseroit en fanes, & on a choisi pour cette opération un temps sec & convenable, il faudra que je me soumette aux caprices ou à la mauvaise volonté de tous les bergers du voisinage, qui jugeront à propos d’y conduire tour à tour leurs moutons, par un temps où la terre est pénétrée d’humidité ? mais pour un blé qui a besoin d’être brouté, il y en a cent qui ne doivent pas l’être ; cependant tous éprouvent le même sort ; ils sont à la discrétion des bergers. Pauvres cultivateurs, que je vous plains !

Il est reconnu que l’année de jachère, consultez ce mot, est une perte réelle pour l’agriculture. Le fermier instruit, veut semer du trèfle, des vesces, du sainfoin, afin que tout champ ne reste pas une année entière sans produire. Il ne peut pas se procurer cette douceur qui devient même un besoin pour le paiement de ses impositions & du prix de sa ferme. La vaine pâture ne respecte rien. Que les sectateurs & protecteurs du parcours fassent la comparaison de la valeur de quelques herbes que les troupeaux trouveront en petit nombre, dans l’année de repos, sur des terres sans cesse labourées avec celle de trois à quatre coupes de grand trèfle ou de luserne, & même d’une seule coupe de vesces, ils seront forcés de convenir que pour un quintal d’herbe dont le troupeau s’est alimenté, le propriétaire en a perdu cent & deux cents d’excellens fourrages. De cet abus résulte l’impossibilité d’alterner les terres (voyez ce mot) ; moyen unique & le moins dispendieux de tous pour rendre le sol plus productif. Si on compte pour rien le bien de ce propriétaire, le gouvernement doit envisager pour beaucoup la plus grande abondance des productions, puisque la prospérité de l’état en dépend.

Personne n’ignore qu’après la récolte des blés on sème des pommes de terre, du blé noir, des raves ou turneps, des carottes, &c. & combien ces grains, ces racines sont utiles aux bourgeois, aux paysans pendant l’hiver, pour leur nourriture & pour celle de leurs troupeaux, de leurs bestiaux & de leurs volailles : l’année 1785 fera époque & sera appelée année de disette de fourrage. Non, ils n’en jouiront pas ; les hommes sont sacrifiés aux troupeaux ; c’est-à-dire, qu’outre la nourriture destinée à ces derniers, ils ont le droit de diminuer d’un grand tiers le revenu de la paroisse.

L’abus seroit moins criant, s’il étoit ce qu’on appelle bien prouvé que les troupeaux de ces paroisses fussent d’une plus belle race, mieux nourris & d’une laine plus fine ; enfin qu’ils fussent plus nombreux que dans les provinces, où heureusement le parcours est inconnu : j’ose dire, sans crainte d’être démenti, que les pays de vaine pâture ressemblent aux communaux ; que les troupeaux y sont moins bien soignés, moins nombreux, & les laines de très-mauvaise qualité ; la comparaison est aisée à faire. Consultez le mot laine, & vous verrez quelles sont les provinces qui donnent les plus beaux moutons & les plus belles laines.

Quel avantage peut-il résulter du labour d’un champ, si aussitôt après qu’il aura plû, que la terre sera bien