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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/581

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de craindre qu’il ne grossisse au point de faire un mauvais effet & de s’approprier une partie de la séve. Pour opérer alors une diversion il ne faut pas se contenter de saigner l’arbre à la tige seulement, mais aux grosses racines. On découvre celles qui sont le plus près de la superficie de la terre & avec la pointe de la serpette, on ouvre leur peau de deux ou trois pouces de long, & on l’enveloppe ensuite avec l’onguent de Saint-Fiacre.

Rien de plus, efficace que cette saignée pour détourner la gomme. Elle est encore d’un grand secours pour empêcher que les arbres ne se jettent trop en gourmands, en produisant un écoulement de la sève qui se porteroit vers le haut. De plus, la plaie de cette saignée l’attire à elle pour sa guérison, & forme une obstruction dans le canal de la séve, dont elle modère l’impétuosité.

La saignée se fait ordinairement entre l’espace vide d’un œil à l’autre de chaque branche, toujours en ligne droite & non transversalement. L’opération deviendroit alors différente ; son effet seroit d’interrompre le cours de la fève dans une partie de l’arbre, ce que j’appelle scarification dont je parlerai dans la suite, au lieu que mon but, en employant la saignée, est d’attirer la séve & non de l’arrêter.

On reconnoît l’utilité de la saignée dans les pêchers de cinq à six ans, ou plus vieux, qui poussent plus d’un côté que d’un autre ; pour empêcher la partie forte d’emporter la foible, on saigne celle-ci & on donne l’essor à l’autre. 1°. Afin d’attirer la séve du côté où se fait la saignée. 2°. Afin qu’en y arrivant elle trouve des canaux assez amples pour la contenir, Il est démontré que dès qu’une plaie est ouverte sur un arbre, la séve s’y porte de même que le sang, à une ouverture pratiquée dans la peau humaine, il ne l’est pas moins que lorsqu’il y a une incision dans la peau de l’arbre, il se fait, ainsi que dans notre chair, un gonflement dans les parties séparées, de manière que les deux lèvres de la plaie se retirant, opèrent entr’elles un espace vide, & qu’enfin la nature venant au secours de la partie affligée, les esprits se portent de ce côté-là avec abondance.

Si au contraire je saignois le côté vigoureux, loin de remédier au mal, je ne ferois que l’augmenter en dilatant des vaisseaux qui ne le sont déjà que trop. Cependant je taille fort long le côté vigoureux, je lui laisse quantité de branches & j’alonge les gourmands pour amuser la séve. L’arbre est ainsi subjugué à force de fournir à tout le bois épargné, tant à la taillé qu’à l’ébourgeonnement : quand il est devenu plus modéré, je change de conduite à son égard, & je le ménage davantage.

Une gelée aura brûlé nombre de branches, ou un vice intérieur les aura fait périr ; je mets la saignée en usage du côté dégarni, & j’emploie même le cautère en cas de besoin. Elle n’est pas non plus à négliger dans certaines maladies du pêcher telles que la cloque. (Voyez ce mot) Il peut arriver que l’enduit appliqué à la saignée venant à tomber, la gomme s’y mette ; on la nettoye alors & on l’essuie avant que de l’enduire, & la gomme ne peut jamais fluer.

La saignée des racines est la même que celle des branches pour la grandeur de l’incision & l’ouverture de la peau, elle a lieu sur les plus grosses