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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/586

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branche qui en aura pousse autant, ils jettent à bas les quatre premières pour tailler la plus basse à cinq yeux. Les années suivantes, pareille pousse, pareil ravalement ; de sorte que la pousse des quatre branches supérieures est toujours inutile pour l’arbre qui profite peu & ne rapporte continuellement que des feuilles.

Le cassement, au contraire, en procurant aux arbres, soit en buisson, soit en éventail, une étendue immense, est la source d’une grande abondance de fruits. Les jardiniers ne l’employent que pour les lambourdes, & moi je les prescris pour toutes sortes de branches. Lors de la taille, je coupe près de l’écorce deux des cinq branches qui ont poussé précédemment, & j’en laisse trois ; une entre les deux supprimées, une autre dans le bas, & celle qui est placée tout au bout, que je taille à un pied, & même à dix-huit pouces si elle est très-vigoureuse. Je casse, en appuyant sur ma serpette, les deux branches que j’ai laissées, & je les fais éclater à l’endroit des sous-yeux à un quart de pouce de leur empâtement. Quant aux arbres en espalier, je coupe aussi les branches de devant & de derrière, si on ne les a point ébourgeonnées, & je taille en forme de crochet deux de ces branches, en en supprimant une entre deux & j’alonge celle d’en haut à deux, & à trois pieds, proportionnellement à la vigueur de l’arbre.

On me demandera pourquoi je casse au lieu de couper ; c’est que si je coupe, la plaie se recouvrira, & aux yeux qui sont au-dessous il repoussera de nouveaux bourgeons qui communément deviennent branches à bois. En cassant, au contraire, je fais une plaie inégale & pleine d’esquilles : alors le recouvrement ne pouvant se faire que difficilement ou même point du tout, la séve reste dans la branche, & s’y perfectionne. C’est la longueur de son séjour qui forme le fruit, & non pas son passage rapide à travers les fibres longitudinales des branches.

Le cassement se pratique pareillement sur les arbres en espalier. Ces branches-crochets sur lesquelles je taille, produisent des branches ; ne pouvant les placer toutes, & étant fort éloignées de l’abatis, je prends le parti de casser. Cette opération se fait en deux saisons, vers la mi-juin & jusques à la mi-juillet pour les bourgeons qui ont poussé de l’année ; & lors de la taille de l’hiver, tant pour les branches à bois que pour celles de faux-bois. Par son moyen, les arbres sur franc qui dans les mains des jardiniers ne peuvent porter du fruit, quoiqu’ils les tourmentent toujours à leur détriment, deviennent souvent d’une année à l’autre les plus féconds de tout le jardin. Il faut cependant en user avec sobriété.

Un jardinier indiscret, qui s’aviseroit chaque année de casser toutes les branches secondaires de ses arbres & celles de faux-bois, les mettroit tellement à fruit, qu’elles ne pousseroient que des brindilles & point de branches à bois. Ces arbres cesseroient de plus de grossir & de s’alonger, & donneroient une telle quantité de fruits, qu’enfin ils périroient épuisés.

Quant au nombre des branches naturelles, des faux-bois, & des bourgeons qu’il faut casser, il n’y a d’autre règle à suivre que la force des arbres & la quantité de leurs pousses. J’estime qu’on peut