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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/605

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portera, en son temps, fruit parfaitement bon[1]. Ainsi, dans quatre années, on ente quatre fois un arbre en chacune, le greffant sur le franc ; mais qui voudra gaigner la moitié du temps, chaque an, entera deux fois un mesme arbre, une en fente au mois de mars ou d’avril, & l’autre en escusson ou en canon, en mai ou en juin sur le jeton sorti de la précédente enteure. Peu de difficulté se trouvera-t-il à ceci, estant de soi-mesme l’arbre bien vigoureux & bien cultivé pour souffrir les entemens. De l’enter à l’écusson & canon, se pourra-t-on servir presque en toutes sortes d’arbres, mais plus expressément és abricotiers, aubergers & peschers, leur naturel aimant plus ces façons-ci d’enter que les autres. »

» Tant s’en faut que l’enter plusieurs fois recule les arbres décroître, comme aucuns estiment, qu’au contraire les contraint à s’avancer davantage. Cela ne provient toutes fois du naturel de l’enter, ains de celui du couper ; lequel a telle vertu qu’estant les jetons de l’arbre ostés, leur substance en revient aux racines qui, la redonnant au tronc, icelui l’en engrossit d’autant plus, que plus de fois on l’aura recoupé, comme de nécessité à chacun entement y convient de faire. Par ainsi l’arbre, en se montant peu à peu, acquiert cest avantage que d’estre puis gros par le bas que par le haut, selon que raisonnablement on le souhaite pour estre capable de supporter en son temps, comme ferme base, grande quantité de branchages, & de pouvoir résister à la violence des vents. En quoi ne court si long terme que dans cinq ou six ans, voire plutôt, par le bénéfice du terroir, les arbres ne soient parvenus à la grosseur convenable pour estre replantés pour la dernière fois, moyennant gouvernement requis & du hoyau, & de l’arrosement ; sur-tout de la conduite du ramage, prinse de la première jeunesse des arbres, laquelle, comme la plus substile maîtrise de cest art, doit estre bien entendue pour la mesnager en toutes sortes d’arbres sauvages & francs estans dans la bastardière & ailleurs ; & qu’en outre on assujettisse un fort paisseau à chasque arbre, pour fermement l’y attacher ; les commissures des entemens se pouvoir bien reprendre & aisément se ressouder, sans crainte des vents ni autres accidens. Echéant d’enter les arbres un peu forts, conviendra en chacun arbre loger deux greffes, un seul n’en pouvant occuper le tronc, à la charge (estant l’enture faite en bas près de terre) d’en couper un greffe, les deux ayant reprins, à savoir le plus mince, laissant l’autre

  1. Je doute que pareille greffe mise en terre ait le succès promis par l’auteur, cependant j’avoue n’avoir pas répété l’expérience, & ce qui me fâche, c’est que la saison ne me permet plus de m’en occuper ; d’ailleurs, pourquoi ne pas greffer à fleur de terre, & placer successivement ses greffes en remontant d’année en année ? Il est constant que par le procédé d’Olivier de Serres, on aura des fruits superbes & excellens ; mais l’arbre s’élèvera-t-il autant que celui qui n’aura eu qu’une simple greffe ? fournira-t-il des rameaux en aussi grand nombre & aussi vigoureux que ceux du second arbre ? je ne le crois pas, & mon opinion est fondée sur ce que l’arbre greffé ne s’élève jamais aussi haut que celui qui ne l’a pas été, si toutes les circonstances sont égales.