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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/606

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monter & gorssir pour le pied & tige de l’arbre ; mais ce sera un mois ou six semaines après avoir enté, non devant, pour avoir temps à convenablement se résoudre sur cette élection. »

On voit qu’Olivier de Serres a eu l’art de dire en peu de mots ce que ses successeurs ont délayé dans de volumineux discours ; il est encore bon d’observer qu’il n’avoit aucun modèle devant les yeux, & qu’il est le premier qui ait rassemblé en un corps d’ouvrage toutes les parties de l’agriculture. Nourri de la lecture des ouvrages anciens, il apprécie avec sagacité ce qu’ils ont de bon & rejette leurs erreurs. S’il a adopté quelques unes de leurs idées sur l’influence de la lune, c’est moins sa faute que celle de son siècle, & sont opinion est encore celle de la plupart des cultivateurs qui n’examinent pas si la tradition est ou n’est pas fondée, mais qui croyent, parce que leurs pères ont crus. Les loix physiques de la végétation n’étoient pas mieux établies de son temps : Malpighi, Hales, Grew, Duhamel, Bonnet, &c. n’avoient pas encore suivi sa marche dans la formation des plantes ; cependant, avec quelle attention Olivier de Serres n’enseigno-t-il pas combien on doit ménager les racines, & combien il y a loin de ses préceptes à la conduite journalière de plus des trois quarts des jardiniers du Royaume. Il reconnoît bien de quelle utilité le pivot est pour les arbres, mais il n’en sent pas toute la nécessité & l’importance ; il conseille de le rogner par le bout, (& non de le supprimer ainsi qu’on le fait) de le coucher horizontalement & un peu incliné comme les autres racines ; alors il cesse d’être pivot, il est rangé au nombre des racines latérales tant que la nature n’aura pas repris ses droits ; c’est-à dire, que de lui ne sera pas sortie une nouvelle racine qui s’implantera profondément & perpendiculairement en terre. C’est beaucoup d’avoir entrevu, il y a plus de deux siècles, ce secret de la nature que très peu de personnes connoissent encore aujourd’hui. Si j’écrivois pour le pépiniériste dont tout le travail a pour but une prompte vente des arbres qu’il cultive, je lui dirois : suivez les préceptes d’Olivier de Serres, & ne surchargez pas d’engrais un sol qui n’en a pas besoin ; ne plantez pas si près à près, alors la tige de vos arbres ne filera pas & il y aura une juste proportion entre la base & son sommet ; mais comme j’écris particulièrement pour le cultivateur, pour le père de famille, qui veulent laisser à leurs enfans des arbres qui leur attestent son intelligence & la bonté de son travail, je leur dirois : défoncez le sol de la pépinière à dix-huit pouces, & celui de la bâtardière à quatre pieds, afin que la racine produite par le semis, & que cette même racine de l’arbrisseau mis dans la bâtardière, puisse continuer son pivotement jusqu’au temps où le semis devenu arbre, celui-ci sera tiré de terre. Je lui dirois encore, n’établissez jamais une pépinière dans un lieu où la couche inférieure est argileuse ou roche dure, leur ténacité s’oppose au pivotement. À l’article pivot, sa nécessité & sa conservation seront démontrées. Il est inutile d’entrer ici dans de plus longs détails, puisqu’en parlant de chaque arbre en particulier, il est question de la manière de le conduire dans la pépinière.