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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/751

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Manière de retirer le goudron en Provence, en Guyenne, & à la Louisiane.

Le goudron est une substance noire, assez liquide, qu’on peut regarder comme un mélange du suc propre du pin dissous avec la séve de cet arbre, & qui est noirci par les fuliginosités, lesquelles, en circulant dans le fourneau, se mêlent avec la liqueur qui sort du bois. Cette matière se retire en réduisant en charbon le bois des pins, dans des fourneaux construits exprès. La chaleur du feu, qui alors agit fortement sur le bois, fait fondre la résine, qui, se mêlant avec la séve du bois, coule au fond du fourneau. Il suit de là que le goudron se trouve fort résineux quand on charge le fourneau avec des morceaux de pins très-gras ; & qu’il est peu fluide ou peu résineux quand on charge le fourneau avec du pin maigre. On n’obtient de cette dernière espèce de bois, qu’une séve peu chargée de résine & qui n’est pas estimée.

On distingue en Provence les pins en rouges & en blancs ; il n’est pas cependant certain que ce soit deux espèces différentes de pins. La différence de couleur qu’on apperçoit dans l’intérieur des pins qu’on abat, peut venir de ce que les uns abondent plus en résine que les autres ; plusieurs bons observateurs pensent que c’est l’âge & la nature du terrain qui occasionnent la couleur rouge des bois des pins. Quoi qu’il en soit, nous avons déjà dit que ses pins blancs étoient ceux qui fournissoient le plus de résine lorsqu’on leur faisoit des entailles ; & que ce sont les pins rouges qui fournissent le meilleur goudron. Ces observations tiendroient à faire soupçonner que dans les pins gras, le suc propre qui est la résine, se seroit extravasé, & qu’il auroit passé dans les vaisseaux lymphatiques où il seroit trop épais pour couler par les incisions. On ne peut distinguer à l’extérieur, les pins rouges d’avec les pins blancs ; mais seulement l’on peut décider qu’un pin est rouge quand on apperçoit sur ceux qui sont devenus gros, une espèce de champignon qu’on nomme bouret, qui se forme sur les nœuds des branches que l’on a coupées en élaguant les arbres. Il y a des terrains où l’on ne trouve point de pins rouges ; mais les arbres de cette espèce se rencontrent fréquemment sur les coteaux pierreux exposés au midi. Ce n’est cependant que des seuls pins rouges qu’on retire le goudron ; les pins blancs n’en donneroient que bien peu, si ce n’est qu’on y employât les troncs des vieux pieds qui ayant été entaillés, ne pourroient plus fournir de séve résineuse ; car la partie de l’arbre qui répond aux plaies ayant été imprégnée pendant plusieurs années, peut encore fournir du goudron, mais non toutefois en aussi grande quantité ni aussi gras que le pin rouge.

On retire aussi du goudron des copeaux qu’on a faits en entaillant les pins, de la paille qui a servi à filtrer le brai sec, des feuilles, des morceaux de bois, des mottes de terre, &c. qui sont imbus de cette résine. Aux environs de Briançon on fait des entailles aux pins, & quand la plaie est chargée de résine, on enlève un copeau le plus mince qu’il est possible ; ce copeau chargé de résine, est mis à part pour en