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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/757

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supplée à ces industries, & ils trouvent le moyen de parvenir à produire le même effet, en se servant à propos des pierres plates & de la terre qu’ils ont sous la main.

On entonne le goudron liquide dans des barrils, pour pouvoir le transporter dans les ports de mer, où il s’en fait une grande consommation pour enduire les cordages exposés à l’eau, ainsi que les bois qu’on en revêt, en place de peinture.

Les mêmes ouvriers qui retirent le goudron du pin, en retirent encore par une opération qui est peu différente de la précédente, une autre matière qu’on appelle brai gras ; pour cet effet, ils ferment le canal par lequel couloit leur goudron ; ils chargent leurs fourneaux avec du bois plus vert & plus menu que celui employé pour le goudron ; ils posent ce bois horizontalement ; ils mettent en premier lieu un lit de ces petites bûches, ensuite un lit de copeaux secs du même bois, & sur-tout un lit de colophane ou de brai sec, de poix sèche. Ils emploient, de préférence, toutes ces matières quand elles sont chargées de feuilles ou d’autres saletés. Ils continuent de remplir ainsi alternativement leur fourneau par lits de bois vert, de copeaux & de résine, & ils terminent leurs fourneaux par des copeaux secs. Ils y forment une espèce de chape, comme nous l’avons dit, mais ils ont grande attention d’en fermer plus exactement les ouvertures, & de conduire plus lentement le feu. La résine fond, elle se mêle avec la séve résineuse du bois, tout se réunit au bas du fourneau, où le brai doit prendre un certain degré de cuisson ; car on ne débouche le canal que quand tout le bois est réduit en charbon. C’est là que l’expérience des ouvriers influe beaucoup sur la perfection du travail ; car si on ne laisse pas couler assez tôt le brai, il devient trop sec, & souffre un grand déchet. Si l’on débouche trop tôt l’ouverture, le brai se trouve trop liquide, il tient trop de la nature du goudron. On ne peut cependant connoître le terme précis pour déboucher le canal, qu’en appliquant les mains sur les pierres de taille, qui forment le bas du fourneau : leur degré de chaleur indique s’il est temps de laisser couler ce brai, & ce degré de chaleur doit être plus ou moins grand, suivant l’étendue du fourneau. Les ouvriers, à la vérité, savent qu’il leur faut sept à huit jours pour faire une bonne cuite ; mais les vents secs ou humides, le plus ou le moins de temps qu’il faut pour former le fourneau avec des pierres & de la terre ; enfin, la promptitude avec laquelle le feu est allumé, toutes ces circonstances avancent ou retardent l’opération, & souvent elles influent sur la qualité & sur la quantité du goudron qu’on retire, de manière qu’il arrive que certains ouvriers obtiennent d’un même fourneau beaucoup plus de goudron, que d’autres n’en pourroient retirer. Après avoir débouché le canal, le brai coule dans les baquets disposés pour le recevoir, & on l’entonne dans des barils pour le transporter dans les ports de mer, où on l’emploie à caréner & à enduire presque tout le corps des vaisseaux.

Du Brai gras.

Nous avons dit que lorsque l’on