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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/94

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& encore plus, lorsqu’elle est tombée par flocons, & pendant les grandes gelées. S’il règne de grands courans d’air, ces courans causent une forte évaporation, & les paysans disent : le vent mange la neige. Ces portioncules de neige entraînées dans l’atmosphère, rendent le froid plus piquant. Sur les hautes montagnes, la neige fond plus promptement par un temps nuageux & bas, que par un ciel clair & serein, quoiqu’au même degré de température.

Il arrive ordinairement, lorsque le temps se radoucit, qu’il tombe plus de neige qu’auparavant ; cette observation est vraie, à la lettre, pour l’intérieur des terres ; mais le voisinage de la mer fait une exception, & prouve que, pendant les plus grands froids, il neige dans les pays circonvoisins.

La blancheur éclatante de la neige fatigue beaucoup la vue, parce que le blanc réfléchit fortement la lumière, & il survient des inflammations aux yeux de ceux qui sont forcés à l’avoir long-temps en perspective, & même plusieurs en perdent la vue. Lorsque la terre est couverte de neige, & pendant que la lune l’éclaire, on découvre, pendant la nuit, à une très-grande distance.

La couleur de l’atmosphère, chargée de neige, est ordinairement bleuâtre pendant le jour, & rougeâtre du côté du soleil couchant. Il neige par toute espèce de vents, mais bien plus lorsque le vent du sud occupe la région supérieure de l’atmosphère, & le nord, la région inférieure.

La neige, au moment qu’elle tombe, est, à mon avis, l’eau la plus pure ; parce qu’en se cristallisant dans l’atmosphère, elle se dégage de toutes es impuretés ou parties hétérogènes. L’eau de mer gelée, est très-bonne à boire ; sa cristallisation l’a donc purifiée ? La neige n’a plus les mêmes qualités, lorsqu’elle a séjourné durant quelques jours, ou pendant quelques mois sur la terre ; elle devient un être plus composé ; semblable à une éponge, elle se pénètre des évaporations qui s’élèvent du sol sur lequel elle repose, & des vapeurs & du sel aérien de l’atmosphère : ce sel, au rapport du célèbre Bergman, est acide. La distillation de la neige, prise au moment qu’elle tombe dans les campagnes éloignées des villes, & non dans les villes ou dans leur circonférence, prouve qu’elle fournit l’eau la plus pure ; & la même distillation de neige tombée, par exemple, dans une ville, démontre combien elle est altérée. — Le fait suivant prouve cette assertion : la neige couvroit, depuis quinze jours, le sol des environs de Paris, & je fus un jour me promener jusqu’à une bonne lieue de la ville, du côté du midi : je pris de la neige bien propre, & la mis dans ma bouche, je lui trouvai l’odeur & le goût de fumée. Le lendemain je fus à la même distance, du côté du nord, & la neige se trouva sans goût, sans odeur ; elle en avoit un peu à l’est, & beaucoup plus à l’ouest, mais moins qu’au sud. Ces différences étoient produites par le vent de nord-ouest, qui régnoit depuis long-temps ; l’atmosphère basse & neigeuse, & le courant d’air avoient forcé la fumée des cheminées de la ville, de se rabattre, & elle avoit communiqué son goût & son odeur à la neige : on éprouve, en effet, & par la même raison, dans des villes