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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1786, tome 7.djvu/95

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une cuisson aux yeux, lorsque l’atmosphère est chargée de neige, & que le temps est bas. Cette acrimonie, dans l’air, tient à la fumée qui est rabattue, & la neige, en tombant, se l’approprie, ou plutôt la fumée s’attache à la neige, parce que celle-ci est plus froide : j’ai cru ces détails nécessaires à l’explication des effets de la neige, relativement à la végétation.

La neige, comme eau pure, & rendue telle par sa cristallisation, contribue moins à la végétation qu’une simple pluie d’été, parce que cette dernière, dans son état de vapeur, s’est appropriée les émanations élevées de la terre, le sel aérien & une portion d’air fixe qui flottoient dans l’atmosphère. Ainsi, la neige, comme neige, n’engraisse donc pas la terre dans le sens littéral du proverbe. Il faut cependant convenir qu’elle produit les plus grands effets. Elle défend les herbes des injures de l’air, & conserve les racines des plantes. Si la couche est épaisse, le grand froid ne peut la pénétrer. Un thermomètre plongé jusqu’au fond, & un autre thermomètre placé à sa superficie prouvent la différence d’intensité du froid. Si la couche est très-forte, le froid intérieur sera le même que celui qui existoit dans la terre au moment que la neige est tombée ; quelques jours après, le froid de la couche supérieure de la terre sera mis peu-à-peu en équilibre avec celui de la couche inférieure de la neige, & souvent on trouvera comme une espèce de voûte sous cette couche de neige, si le froid de la terre étoit peu considérable au moment de sa chûte. Il est clair que ces données souffrent beaucoup de modifications, mais elles ne sont pas moins réelles. Il ne s’agit pas ici des froids de Sibérie, des glacières, &c., mais de la neige & du froid des parties tempérées de l’Europe.

On auroit tort de conclure de ce qui vient d’être dit, que la neige est moins froide que la glace. Dans les deux cas, l’eau est réellement glacée, & lorsque les circonstances sont égales, le thermomètre prouve que le degré l’est aussi. Ce n’est donc qu’à une certaine profondeur que la couche inférieure est moins froide que la supérieure.

Jamais la neige ne produit des effets plus salutaires que lorsqu’elle tombe avant que le sol soit engourdi par de fortes gelées, & lorsqu’elle reste long-temps sur terre. Si la terre a été fortement gelée avant la chûte de la neige, si elle a été abondante, il est certain que le dégel laissera les racines des blés en l’air ; & si après le dégel il ne survient pas une pluie douce qui resserre la terre, les blés en souffriront. Le bon cultivateur attend que la grande humidité soit dissipée, que la terre ne soit plus gelée, alors il fait passer le rouleau sur les blés, ce qui vaut mieux que s’il se servoit du côté plat de la herse. (Voyez ce mot.) Cette opération tasse la terre, & la presse contre les racines. S’il survient de nouvelles gelées, les racines ne sont pas endommagées. Il répète alors la même opération, si le besoin l’exige. La neige & la gelée sont d’excellens laboureurs. Alors les exhalaisons de la terre sont retenues, la transpiration des plantes ne s’évapore pas, l’air fixe, (voyez ce mot) qui s’échappe des uns & des autres est retenu, & la