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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/178

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sardé une infinité d’hypothèses aussi futiles les unes que les autres, & inutiles a rapporter. Si on désire les connoître, on peut consulter le quatrième volume du journal de Physique, année 1774, page 41, où son auteur a consigné le précis des différens sentimens. Cette maladie est très-rare dans les seigles des pays élevés, & beaucoup plus commune dans certaines provinces. Il étoit réservé à M. l’abbé Fontana, physicien du grand-duc de Toscane, observateur consommé, & naturaliste exempt de préjugés, de lever le voile qui couvroit ce mystère.

« L’hiver passé, dit l’auteur, je semai dans mon jardin, une quantité du plus beau blé & du plus beau seigle que je pusse avoir. La terre étoit tant soit peu humide, & j’y fis de petits trous coniques, profonds d’environ deux pouces. Dans ces trous, j’y mis un seul grain de froment ou de seigle, & sur ce grain je laissai tomber quelques grains d’ergot ; je couvris le trou légèrement… Peu loin de celui-ci j’en semai un autre semblable au premier, mais que j’avois auparavant arrosé avec de l’eau, dans laquelle j’avois jeté une grande quantité de cette poudre noire & puante, que l’on appelle en Toscane la volpe, & nommée par M. Duhamel, la nielle ; (consultez ce mot) sur ce grain, dans les mêmes trous, je fis tomber de petites graines d’ergot… Dans l’entre-deux de ces deux semis, sur une longueur d’environ deux aunes quarrées, je semai du blé arrosé seulement d’eau niellée. Ces dernières plantes ayant poussé des épis, je trouvai que la plus grande partie étoit niellée, & que les épis sains étoient en très-petit nombre. Les épis des premiers trous étoient presque tous infectés d’ergot… Le plus grand nombre des autres avoient les deux maladies de l’ergot & de la nielle ; car dans les mêmes balles il y avoit de petits grains d’ergot, & à côté d’eux d’autres grains malades, lesquels étant ouverts, se trouvoient remplis de poudre noire de nielle & de petites anguilles générantes, ce qui sera expliqué dans la suite.

» L’ergot est donc une maladie contagieuse comme la nielle, & cette vérité pourroit être d’une très-grande conséquence, puisqu’on pourroit infecter le blé d’un pays entier, & y causer peut-être même des maladies parmi les hommes, si ce qu’on a écrit de l’ergot est vrai, & s’il est aussi infecté que le véritable ergot dont parle Bauhin.

» L’on a cru jusqu’à présent que ce faux ergot étoit le grain dégénéré par maladie ; mais je suis d’un avis tout-à-fait différent. J’ai observé que dans les mêmes balles, on n’en trouve, lorsque les mêmes épis sont sains, jamais deux ou plusieurs ; mais en fait d’ergot, on en trouve deux, trois, & même plus, les uns à côté des autres ; & dans les balles qui contiennent l’ergot, on ne trouve jamais le grain formé par le germe… On trouve bien souvent & dans les mêmes balles, & le germe, & les étamines, & les anthères, & de petits grains d’ergot en même-temps. Si le germe & l’ergot subsistent à-la-fois, & dans les mêmes balles, si l’ergot n’est pas toujours composé d’un seul grain, mais de plusieurs, l’ergot n’est donc pas le vrai grain formé par le germe ? Ce n’est donc