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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/265

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plusieurs arbres, & je vis clairement que, pendant les grandes sécheresses, les petites racines, nouvellement poussées, étoient presqu’aussi-tôt aoùtées que formées ; qu’elles étoient courtes, chétives & peu nourries, tandis que, lorsqu’il avoit plu, elles étoient dans un état naturel ; d’où l’on doit conclure, d’après ce qui a été dit plus haut, que ces nouvelles racines incomplètes, & dans une terre sèche, n’avoient pas pu pomper assez de sucs pour fournir à la sève du mois d’août, & que la grande chaleur les avoit trop tôt aoùtées. L’année d’après, & toujours par une très-grande sécheresse, je fis largement arroser quelques arbres, & à plusieurs époques : la sève du mois d’août fut vigoureuse. Ces arbres déchaussés me firent voir un très-grand nombre de racines nouvelles, longues & bien nourries, tandis que celles des arbres voisins, soit cerisiers, soit fruitiers, éprouvent le même fort que celui des racines de tous les arbres du canton. Il en fut ainsi de la plus ou moins grande prolongation des bourgeons. Il est donc clairement prouvé que la sève du mois d’août est due aux racines poussées depuis le commencement du printemps, jusqu’au moment de stase ou repos opéré par les grandes chaleurs qui les aoûtent ; que cette époque passée, elles ne travaillent plus à leur propre accroissement, mais pour l’arbre, afin de lui procurer les sucs nécessaires à cette seconde sève, & à pousser elles mêmes de nouvelles racines qui aoúteront à la fin de l’automne, se perfectionneront pendant l’hiver, & pomperont à leur tour, au renouvellement de chaleur, la sève du printemps. S’il m’étoit permis de hazarder une conjecture, je dirois que la formation des racines est due à la sève descendante pendant la nuit, & dont une partie de sa fluidité est pompée par les feuilles pendant la nuit. Je n’ai pas assez de preuve pour présenter cette idée autrement que comme conjecturale ; plusieurs apperçus m’invitent à la regardée comme très-probable.

Le climat de Lyon tient le milieu entre celui de nos provinces méridionales & celui de Paris. Si le printems a été très-sec, la poussée d’août est peu de chose ; mais comme dans les environs de Paris, il est excessivement rare, d’éprouver de grandes sécheresses, comme le climat y est fort tempéré, & les pluies fréquentes, on greffe souvent pendant un mois entier ; & les poussés du mois d’août sont très-souvent plus fortes que celles du printems ; parce qu’elles sont plus actionnées par une chaleur convenable & soutenue. Il seroit facile de citer un grand nombre de petites différences qui tiennent aux circonstances locales ; mais elles ne détruisent pas la théorie générale : résumons ce qui a été dit.

1°. La sève est une pour toutes les plantes & pour tous les arbres. Elle devient une par la combinaison de tous ses principes tenus en dissolution dans un fluide aqueux, par l’intermède de l’air fixe.

1°. À l’extrémité de chaque racine, de chaque radicule, est un levain qui approprie la sève à chaque espèce de végétal. Ce levain est, dans son genre, analogue à noue salive, aux sucs gastriques de la bouche, qui approprient les alimens que nous mangeons, & les préparent à subir la digestion dans l’estomach.