Aller au contenu

Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/309

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gelés par l’excès du froid, on doit éviter d’y exciter la suppuration. Il faut rappeler peu à peu la chaleur ; il est aisé de juger du mal qu’on feroit en l’y rappelant tout de suite, par l’analogie des plantes couvertes de gelée, qui meurent si on les expose au soleil, avant que la gelée soit fondue ; l’évaporation que produit la chaleur porte le froid à son dernier degré, & le ravage de la gelée à un point incurable.

Le plus sûr parti qu’il y a à prendre dans pareil cas, est de plonger successivement le membre gelé, une liqueur très-froide dans une autre qui le soit moins, & qui soit propre à lui redonner sa chaleur naturelle. Dans la Sibérie on se contente de les frotter avec des flanelles, lorsqu’il n’y a pas long-temps qu’il est gelé ; mais lorsqu’il l’est depuis un assez long espace de temps, on le plonge dans la neige, puis dans l’eau froide, & enfin on parvient à rappeler le mouvement tonique par des frictions douces.

2°. Ce n’est pas tout que d’avoir gouverné le mode inflammatoire, il faut encore résoudre les principaux obstacles qui s’opposent à la formation d’une suppuration avantageuse. Le premier est la corruption putréfactive gangreneuse dans les chairs & dans les fluides. On a prétendu que cette corruption n’est à proprement parler, qu’une fermentation putride alkaline. L’odeur d’une partie gangrenée, qui est bien différente de celle de la putréfaction, prouve le contraire : en outre, s’il y avoit une vraie putréfaction chimique, ne seroit-elle pas augmentée par les remèdes septiques & alkalins ? Cela est si vrai que la lavure de bière qui est une des substances alcalines la plus forte, appliquée à des membres qu’on alloit amputer, y a souvent rappelé la vie, au témoignage de M. Quesnay. Ce n’est pas cependant qu’il ne puisse s’exciter dans des cas extrêmes de sphacèle, une vraie putréfaction, & même qu’il ne s’y engendre des vers. Il faut convenir que ces cas sont très-rares, & qu’il faut que le sphacèle existe depuis long-temps & soit bien dégénéré. Les anti-septiques, dans cette-circonstance, sont les vrais spécifiques.

Ludowi : pense qu’on pourroit empêcher la dégénération gangreneuse, en embaumant la partie.

Boerhave a eu plus de confiance que lui dans certains remèdes appropriés au sphacèle externe ; il a cru qu’ils réussiroient constamment dans les viscères sphacélés, & qui quelquefois ne sont susceptibles que d’embaumement : le quina est le plus sûr anti-septique dans les gangrènes où domine un vice putréfactif, tant extérieurement qu’intérieurement.

On arrête les progrès de la putréfaction dans les chairs voisines de la gangrène par divers remèdes, 1°. par des balsamiques ; 2°. par des spiritueux anti-septiques, tels que la teinture de mirhe & d’aloès ; il ne faut pas cependant porter trop loin l’usage de ces remèdes, parce qu’ils pourroient occasionner la roideur des fibres ; 3°. par des anti-septiques salins, pris dans la classe des neutres qui méritent toujours la préférence sur les volatils alkalins qui peuvent être trop forts.