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Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1796, tome 9.djvu/380

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L’objection tirée des plaies faites aux bourgeons, & de leur difficulté ; de cicatriser, n’est pas plus concluants. Un petit soin remédie à tout. Aussitôt qu’on a fini de tailler un arbre & de le pallisser, il faut couvrir toutes les plaies, grandes ou petites, avec l’onguent de Saint-Fiacre, mettre la plaie à l’abri du contact de l’air, & on ne craindra plus les effets de la neige, du givre, ni du froid. Ce qui m’est arrivé dans le cruel hiver dont il est question, me fournit une preuve sans réplique ; mes vignes mêmes ne furent pas endommagées. C’est donc la faute de celui qui taille, si les arbres ont souffert j’ajouterai encore si avant l’hiver il n’a pas dépouillé les troncs de ses vieux arbres des vieilles écorces qui se lèvent par écailles. C’est sous les écailles que se rassemble l’eau des pluies, des neiges ; le froid survient & le tronc se trouve enveloppé d’un manteau de glace. On n’a pas à craindre la même chose sur les bourgeons pendant les trois premières années, parce que leur écorce est lisse.

2.Étude de l’arbre. Que l’on appelle chez soi ces tailleurs d’arbres de profession, & qui, dans les environs des grandes villes, voltigent d|un jardin a un autre la serpette à la main, ils commencent par donner un nom à un arbre, bien ou mal appliqué, n’importe ; ensuite, prenant une des extrémités de l’arbre, la serpette travaille & de ça & de la. Certes, ce n’est pas travailler, c’est massacrer l’ouvrage.

Le premier soin est d’étudier tellement l’arbre dans son ensemble & dans toutes ses parties, que même en fermant les yeux, on ait dans son esprit, une image nette de tous ses détails, de toutes ses branches, de tous ses bourgeons. C’est au milieu de cette méditation, & sans regarder l’arbre, que le jardinier instruit se dit ; je dois couper telle & telle branche ; celle-çi est au-dessus de son angle naturel ; & celle-la trop basse, demande à être relevée. Ici, voila un vuide à remplir ; mais un bon œil laissé sur ce bourgeon, deviendra un tirant dans le cours de l’année prochaine ; ce tirant bouchera le vuide & remplacera cette vieille branche. De temps en temps il ouvre les yeux ou se retourne du côté de l’arbre, ou pour examiner ce qui n’est pas suffisamment gravé dans sa mémoire, ou pour juger si effectivement ce que sa mémoire lui a présenté, est conforme avec ce qui existe sur l’arbre. Travailler ainsi, c’est ce qu’on appelle savoir perdre du temps à propos, ou plutôt jamais le temps n’a été mieux employé.

Lorsque le jardinier sait son arbre par cœur, s’il est permis de s’exprimer ainsi, il commence par placer ses quatre mères-branches ; ensuite, venant à une des deux extrémités de l’arbre, il dispose les branches du second ordre, ensuite du troisième ; enfin il fixe ce qu’il laisse des bourgeons ; mais à mesure qu’il assujettit chacune de ses parties, il supprime tous les chicots, les onglets, les bois morts, (consultez, ces mots) & il rase & unit tellement la plaie, qu’en passant le doigt dessus, il ne sent aucune aspérité, aucune proéminence, aucun bourrelet. Si sous ces chicots, ces onglets, il trouve du bois mort, des parties chancreuses, il creuse jusqu’au vif, ménage avec soin l’écorce, parce que c’est la seule